L'actualité du livre Mardi 16 avril 2024
  
 
     
Le Livre
Poches  ->  
Littérature
Essais & documents
Histoire
Policier & suspense
Science-fiction

Notre équipe
Littérature
Essais & documents
Philosophie
Histoire & Sciences sociales
Beaux arts / Beaux livres
Bande dessinée
Jeunesse
Art de vivre
Sciences, écologie & Médecine
Rayon gay & lesbien
Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un auteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Poches  ->  Littérature  
 

Clio, l’imprévisible
Philip Roth   Le Complot contre l'Amérique
Gallimard - Folio 2007 /  7.70 € - 50.44 ffr. / 476 pages
ISBN : 978-2-07-033790-3
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Traduction de Josée Kamoun.

Première date de publication française : mai 2006 (Gallimard - Du Monde Entier).

Imprimer

On avait beau aimer Philip Roth, ici, on jubile… à la limite de l’extase littéraire ! Alors que la production romanesque, en France, affiche cet égocentrisme démissionnaire, outre-Atlantique – ou, plus simplement, hors de nos frontières – les lettres sautillent, vivent, bondissent même, jusqu’aux cœurs des lecteurs, secouant de front l’intellect et l’affect… En retour, on louche avec une pâle figure sur les tristes étals alimentés par nos concitoyens : autant d’égo-histoires larmoyantes et pseudo-intellectualisantes, par autant de clones sortis des Grandes Ecoles. On redoute chaque rentrée littéraire, avec de sombres envies d’autodafés… Mais pour la santé des lettres, pas contre elles comme les brasiers nazis en eurent la criminelle audace il y a soixante ans à peine.

Audace humaine et tragédie de l’histoire, que le fabuleux romancier américain aborde dans ce consistant et savoureux Complot contre l’Amérique. 500 pages, le souffle de l’Histoire (revisitée), un malicieux tressage de réalité et de fiction, d’émotions et de considérations plus philosophiques et politiques, bref, un détonant mélange pour contenter tout amoureux des lettres. Et aussi, un très rothien paravent autobiographique, car l’auteur prétend raconter le drame qui frappa l’Amérique alors qu’il n’était qu’enfant.

Le roman narre en effet les malheurs d’une famille juive new-yorkaise (enfin, côté New Jersey, à Newark), les Roth, dans la tourmente des années 40. L’Histoire n’a pas épargné l’Oncle Sam des relents nauséeux de la peste brune. En devenant le candidat des Républicains, le héros national, Lindbergh, ôte à Roosevelt son mandat supplémentaire et tourne, sinon déchire, une page de l’histoire nationale… «Et puis les républicains investirent Lindbergh et tout changea». Cheval de Troie de la pensée et des intentions nazies outre-Atlantique, le nouveau Président implante à petits pas les exactions observées en Allemagne, une politique extérieure de reconnaissance des avancées nazies (les accords d’Islande et d’Hawaï scellent géopolitiquement cela, nous explique le narrateur), une politique intérieure ségrégationniste contre les Juifs, sous forme de réformes assimilationnistes et relocalisations hypocrites (Le Homestead Act de 1942), en attendant quelques nuits de cristal et états d’urgence comme on ne l’aurait jamais cru possible dans une démocratie comme celle-là : «jamais je ne recouvrerais ce sentiment de sécurité inébranlé qu’un enfant éprouve dans une république protectrice, entre des parents farouchement responsables».

Et c’est là, justement, que le romancier excelle. Le recours, feint, à la rétro-fiction, lui autorise une création romanesque ample et profonde comme le divulgation d’un message saisissant : il n’y a pas régime plus dangereux que la démocratie pour petitement mais sûrement faire le lit de la tyrannie… par voie légale, puisqu’il le faut. 1933 en Allemagne, 1922 en Italie n’immuniseront pas les grandes démocraties contemporaines de flirter à leur tour avec les hydres fascistes. Sont-elles si saines d’ailleurs, nos sociétés libérales, et prémunies contre l’inommable ? En affabulant une possible gangrène nazie dans l’Amérique des années 40, Roth pointe évidemment du doigt une très contemporaine contagion… «Retourné comme un gant, l’imprévu était ce que nous, les écoliers, étudiions sous le nom d’«histoire», cette histoire bénigne, où tout ce qui était inattendu en son temps devenait inévitable dans la chronologie de la page. La terreur de l’imprévu, voilà ce qu’occultait la science de l’histoire, qui fait d’un désastre une épopée».

Avec le regard fidèlement rappelé de l’enfance, Philip Roth montre excellemment cette imperceptible contagion des esprits, entre accommodement, compromission, aveuglement et collaboration… On lira donc ce roman avec avidité, heureux de retrouver le grand auteur dont le titre précédent, La Bête qui meurt, avait un peu déçu, chapitre supplémentaire et artificiel à La Tache.


Bruno Portesi
( Mis en ligne le 30/11/2007 )
Imprimer

A lire également sur parutions.com:
  • La Tache
       de Philip Roth
  • La Bête qui meurt
       de Philip Roth
  • La Contrevie
       de Philip Roth
  •  
    SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

     
      Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
    Site réalisé en 2001 par Afiny
     
    livre dvd