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Chroniques d’une implosion
Jean-Eric Boulin   Supplément au roman national
Le Livre de Poche 2008 /  5 € - 32.75 ffr. / 125 pages
ISBN : 978-2-253-12174-9
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en août 2006 (Stock).
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Pour un premier roman, Jean-Eric Boulin frappe fort. Ce jeune Marseillais de 28 ans, ancien étudiant en sciences politiques, tend à la France un miroir cruel, brisé en mille morceaux. Autant de morceaux que de fractures et l’auteur n’a rien de consensuel. Il tire même sans retenue sur les plaies que laisse béantes l’effondrement du modèle républicain, égalitaire, national, dont les manifestations ressemblent de plus en plus à des convulsions. Il fouille jusqu’au plus profond de l’âme individuelle (un jeune Arabe tenté par la révolution islamiste, un Blanc qui a tout raté, un homme politique aussi avide qu’insipide…) pour y dénicher la frustration, l’ennui morne, la rage, «tout ce sang qui bout pour rien» dans les zones suburbaines. Or à la surface érigée en monopole, rien ne filtre, que les images en boucle des privilégiés, des nantis de la société du spectacle, des festivaliers… qui attisent la colère des petits qui voient leurs vies passer le nez collé sur la vitrine.

Les quelques passages apaisés du livre font comprendre que c’est d’abord sa propre souffrance, sa propre nostalgie d’unité que Boulin expectore. Voilà pourquoi son discours est accusateur, comme celui du rap. Il ne dit plus «nous» mais «vous» ; il vous voit ramper dans une vie «merdique», sans repères, sans révolte, «massacrée de travail», aveugle à la souffrance qui vous saute pourtant à la gorge. Toute cette haine qui s’accumule dans les soutes du bateau France ne laisse qu’un malaise diffus, une stupeur face aux «événements» d’une violence glaçante (Richard Durne, Khaled Kelkal, les émeutes).

Cette moderne tragédie qui met aux prises deux criminels en manque de reconnaissance, se cognant aux murs du mépris français, un peuple de perdus, qui ne s’aime plus, ne se reconnaît plus, ne pourra se terminer qu’en catastrophe, une fusion dans le sang, préalable à la concorde qu’offrira le ventre mou de l’homme politique, aussi informe que l’est notre conscience collective.

Quel est le grand mérite de ce livre ? Déchirer le voile du consensus, du satisfecit, ouvrir les yeux. Même si les charges sont souvent brutales, parfois gratuites, certaines prises de position, lapidaires et faciles, aucun autre que Boulin n’a libéré à ce point la parole d’une génération de perdus, de «ratés», lâchés en rase campagne dans une société qui ne s’assume pas et qui ne les aime pas. Personne n’a exprimé comme lui, avec cette flamboyance radicale, souvent acerbe, cette rage faite de frustrations, de peur et de solitude. En cela, le portrait de Yann Guillois est certainement le passage qu’il faudrait jeter à la figure de tous ces «faiseurs» de littérature, tous ces «congratulateurs» comme le dit Boulin, qui confortent notre époque dans un égotisme coupable.

Quoi qu’on pense des excès de ce livre, des intentions réelles de son auteur, ne pas lire Supplément au roman national équivaudrait à rester sourd à l’une des paroles les plus saisissantes – à la fois ample et fulgurante - que peut nous offrir la littérature française sur notre époque.


Guillaume Ruffat
( Mis en ligne le 21/05/2008 )
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