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Poches -> Littérature |
| Max Monnehay Corpus Christine Le Livre de Poche 2006 / 5 € - 32.75 ffr. / 153 pages ISBN : 978-2-253-12105-3 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication en août 2006 (Albin Michel). Imprimer
Un homme réduit à la position horizontale raconte par le menu les tortures que lui fait subir sa femme, Christine. Pardon ! Menu est un mot malheureux, voire obscène, puisque la faim est lune des tortures quil endure. Ce qui est dautant plus difficile à avaler pardon ! que cette femme est obèse. Elle se goinfre et elle laffame, sa femme. Et après, quand il est devenu un avorton de 40 kilos, elle le gave, histoire de le réduire dune autre manière à sa merci. À son manque de merci.
Car cest une guerre sans pitié qui les oppose. Ils se sont aimés à la folie, puis ils se haïssent de même. Elle était belle et elle courait. Il était normal et il lui courait après. Et après il fait mine daimer des trucs quil naime pas, pour voir si elle le suivra. Elle le suit. Mais il découvre un jour quelle nen pouvait plus, quelle détestait tout ça, les sushi et léquitation et tout ce quelle devait se coltiner pour prouver quelle laimait. Il sétonne, son étonnement étonne, mais il sétonne : ça lassoit, lui, autant dhypocrisie ! ça le couche, même ! A partir de là, il en est réduit à la station horizontale, il ne peut plus que ramper puisque lunivers lui donne désormais le vertige, et ramper aux pieds potelés de lidole renversée. Séquestré dans son appartement, il ne lui reste plus quà subir, haïr, rugir. Mais finalement, tout ça, cest encore de lamûûûr, bien sûr !
Bravo si vous comprenez un traître mot à leur histoire damûûûr ! Pourtant, on vous la servira généreusement leur histoire, en long, en large, et en travers. En bousculant la chronologie, bien sûr, vu quil délire un peu, le bougre, affamé ou gavé, au ras de son parquet ; et vu quelle serait probablement encore plus difficile à avaler, dans lordre, leur histoire. Et on multipliera les variations sur la même idée, genre la vie vue den bas (dès le début du livre), la détestation des enfants, lécoulement du temps, la haine de lautre dans la vie de couple, etc. Le procédé sera toujours le même : on prend une idée vaguement décalée et on lassène jusquà ce que ça rentre, en poussant avec un peu dhumour moderne, c'est-à-dire délicieux dironie, vous savez, tendance série télé : «- Espèce de minable petite pourriture de pédale de raclure de merde. Je taime aussi mon amour.»
Voilà : ça sappelle Corpus Christine. Parce que le corps, bien sûr ! Vous aurez donc droit à des tas de variations sur le corps, vous savez ce truc à la mode dont nous avons une vision tellement trop conformiste. Et donc il nous fallait un roman non conformiste et des considérations très nouvelles, par exemple autour de votre dégoût «pour le contenu de votre enveloppe charnelle»
Et donc Max Monnehay, elle a eu lidée dun héros à plat ventre, et il serait plein desprit, en revanche, ce héros aplati. Et pleine desprit, elle sest glissée dans la peau dun homme rabougri qui écrit sur une femme devenue énorme.
Notre primo-romancière reprend un peu Ennemonde, en somme : vous savez la nouvelle de Jean Giono qui conduit lhéroïne à une apothéose de chair et de sensualité, et au passage règle son compte à un petit mari de rien du tout qui «se réfugie dans linsolite», qui décide de «rétrécir», comme certains de saplatir. Mais Ennemonde, cest une narration qui avance à vive allure et qui entraîne, une narration qui parvient à être foisonnante et elliptique dans le même temps ; Corpus Christine, cest à la fois plus lourd et plus vide, cest indigeste. Cest un corps gras de plus dans notre monde éditorial obèse.
Alain Romestaing ( Mis en ligne le 27/02/2008 ) Imprimer | | |
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