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Poches -> Littérature |
| Norman Manea Le Retour du hooligan - Une vie Seuil - Points 2007 / 8 € - 52.4 ffr. / 473 pages ISBN : 978-2-7578-0523-7 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Traduction de Nicolas Véron et Odile Serre.
Première publication française en septembre 2006 (Seuil). Imprimer
Flash Back sur lun des prix de lautomne 2006. Le Retour du Hooligan. Norman Manea. Prix Médicis Etranger 2006. Souvenirs. La Roumanie, et litinéraire dun enfant devenu vieillard, devenu, même, fantôme dans sa propre patrie, quil quitte finalement un jour de mars 1988. Entre le berceau du village de Suceava et cette promenade du «métèque» sur Amsterdam Avenue, cur de Manhattan, en compagnie dun Philip en qui lon devine aisément Roth, un itinéraire façon La 25e heure de Gheorghiu, autre Roumain, décidément
Et tout labrutissement dune âme face à lHistoire : la Roumanie, tragique palimpseste des régimes et leurs tyrans, le fascisme et son exaltation juvénile dans les années trente (hooliganisme, selon Cioran), lantisémitisme et lexpérience du ghetto et des camps, le communisme et ses insupportables silences, le sionisme et sa suspecte «idéologisation des destins malheureux», enfin, les relents dune post-modernité tout aussi déboussolante. Etranger en Amérique, Manea, de retour au pays, demeure un étranger : «Il avait accumulé, selon le nouveau calendrier, quatre-vingt-quatorze ans. Il était vieux, inapte à un tel voyage. Mais si lon mesurait le temps de façon conventionnelle depuis le moment où il avait quitté la routine de la vie dautrefois, il navait que onze ans. Un tel pèlerinage paraissait prématuré pour une personne si jeune et si émotive». Il retourne en Roumanie en 1997.
Cest dense et intelligent, bien écrit, joliment dit mais dune lecture difficile car une vie si intimement calquée sur lHistoire tient malaisément dans le carcan de 470 pages. On savourera plusieurs passages, dits par un acteur/spectateur, un intellectuel, universitaire à New York (Bard College), vieillard mûri sous la patine des ans. Sur le régime socialiste, lancien jeune ingénieur se souvient : «Le mensonge, nouveau placenta, nous empêchait de mourir et de renaître. A la première imprudence, la pellicule explosait. Il fallait retenir sa respiration, de peur de laisser échapper un de ces mensonges petits ou grands dont on avait la bouche barbouillée, un zéphyr frais qui pulvériserait le cocon protecteur». Manea, survivant poly-asphyxié dont la Terre entière est devenue le no mans land : «Qui veut-on interviewer ? Lennemi public ? La victime du fascisme et du communisme ? Ou lécrivain solitaire et timide, ovationné par les Yankees ? Je suis simplement un intrus suppliant quon lignore».
Et au cur de cette itinérance, la langue, ce Roumain essentiel mais entaché, honteux et assumé, sublime. Et limpasse des mots pour un intellectuel chez qui le pathos sestompe, sefface, se meurt, pour ne laisser plus que les bribes dune intelligence désincarnée, sèche. Il semble manquer une mère, une femme, un amour, de la chair à cet homme que lHistoire, finalement, aura rendu étranger à lui-même. Bref, une patrie.
Thomas Roman ( Mis en ligne le 24/09/2007 ) Imprimer | | |
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