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Poches -> Littérature |
| Frédéric Beigbeder Au secours pardon Le Livre de Poche 2008 / 6,95 € - 45.52 ffr. / 316 pages ISBN : 978-2-253-12405-4 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication en juin 2007 (Grasset) Imprimer
Sorti deux mois avant la rentrée littéraire 2007 (aujourd'hui en format poche), Au secours pardon, le dernier roman de Frédéric Beigbeder, semblait inviter la critique à un exercice rituel de défoulement pour solder cette avant saison aux allures doctobre : le Beigbeder-bashing
sport littéraire assez répandu pour que Lire sinterroge dans un numéro de l'époque sur le personnage même, se demandant sil est un talent ou un clown
Il est vrai quil y a un cas Beigbeder dans la république des lettres, intrigant pour le moins, mélange de com, de style un peu provoc et de snobisme germanopratin.
On retrouve dans Au secours pardon non seulement lauteur de 99 francs, mais également son héros, linsupportable Octave, son débit étourdissant et son ego démesuré à la mode Goethique, passé cette fois du retraité de Floride à la Lolita russe. Aussi faut-il lire avant daccorder un pardon.
Car Octave, passé logiquement par la case prison après ses précédents exploits, est devenu talent scout, parcourant perpétuellement dans la nuit russe son chemin de Damas : il écume les boites de nuit moscovites à la recherche du prochain mannequin vedette de la marque de cosmétique LIdéal («parce que vous êtes unique
»), scrutant la surface féminine comme un maquignon, traquant le mauvais reflet, le point disgracieux, lartifice trompeur. Et quelques conquêtes à droite à gauche. Professionnel consciencieux, sa quête de lauthenticité, de la beauté intrinsèque lamène à une forme toujours plus torturée de misanthropie, et de misogynie
Puis, comme dautres héros, il finit par rencontrer sa Lolita, prénommée Léna, quasi son double astral, ainsi que sa conscience, sous la forme dun pope barbu et étrangement patient avec cette âme déjà morte
et forcément, ça va déraper.
Indéniablement, Frédéric Beigbeder a du talent
Oui, mais pour quoi ? Peut-être pas le roman
A la 50ème page de son livre, la seule péripétie un peu marquante est une rencontre avec un pope, ancien pote parisien, lors dune promenade pluvieuse : autant dire que lhistoire démarre aussi rapidement que dans un Flaubert sous Lexomyl
Là nest donc pas le talent de Beig
En fait, il réside plutôt dans une plume assez vive qui fit le bonheur de la critique littéraire de Voici, une succession daphorismes cyniques sur les femmes et leurs prédateurs/proies, sur la société des nightclubbers, la séduction, la Russie, la beauté, «lamour, la vie et le reste
» analysés au scalpel, avec un lyrisme un peu vache que Guitry ne renierait pas. Volontiers sentencieux, méchant par profession, Octave entrouvre au lecteur concupiscent, bourgeoisement installé dans son deux pièces cuisine, le mystère des nuits péterbourgeoises et des boites de nuit pour mannequins cocaïnés et oligarques mafiosis, un monde facile où largent coule à flot et le caviar, répandu à la louche
In bed with Poutine ? Pratiquant allègrement le name dropping, Beigbeder retrouve à la fois les réflexes irritants et efficaces du chroniqueur littéraire. Il a de fait beaucoup lu, pas mal appris et apprécié quelques auteurs, tel Bret Easton Ellis : même manie de citer à longueur de paragraphes des marques de vêtement branchées et de cosmétiques tendance pour souligner le vide spirituel de la société de consommation (Ardisson va a-do-rer) et afficher un détachement (stoïcien ?) pour la réalité
De la sorte, Octave nous fournit un ersatz de vie mondaine, avec modes de conso et prêt-à penser
Et comme il a de lesprit, cest efficace, voire même jubilatoire.
Alors, bon ou mauvais roman ? Assurément, on sourit à cette lecture un peu jet set, plaisante et drôle comme une bonne chronique mondaine
Il y a un moment de vertige dans la méchanceté à légard du genre humain qui finit par être réjouissant : cest du reste la méthode Céline à la sauce Beigbeder. Indiscutablement, cest un livre de vacances, le genre de bouquin quon lira agréablement sur la plage, et qui permet, entre deux pages, de surveiller le petit dernier en train de sébattre dans londe. Lintrigue nest pas éprouvante pour le cortex et la lecture décousue ne pose aucun problème
Le genre de roman qui permet également de jauger sans remords la nymphette locale en bikini léger en se répétant le mantra de Queneau «si tu savais fillette, si tu savais
»
Bref, une lecture facile, qui ne fait pas de mal, comme le pardon sollicité du reste, et bénévolement accordé par le lecteur.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 19/09/2008 ) Imprimer
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