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Bonnes nouvelles de Laurent Gaudé
Laurent Gaudé   Dans la nuit Mozambique - Et autres récits
J'ai lu 2011 /  5,60 € - 36.68 ffr. / 160 pages
ISBN : 978-2-290-03666-2
FORMAT : 11cmx18cm

Première publication en mai 2007 (Actes Sud)
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Qu'il est bon de bien lire ! Et Laurent Gaudé est de ceux - rares ! - qui provoquent avec art un tel plaisir. Discrétion de l'égocentrisme : on devinerait même une absence de cet égotisme prompt chez d'autres, futiles écrivants, à "pisser" de la copie, confondant art et psychanalyse. Majesté de la plume : un style tenu, tendre, jamais flagorneur, visiblement amant des mots. Envoûtement des récits : des trajectoires humaines, du concentré d'humain, à dose de nectar sinon d'hydromel, dans des récits où l'amour et la tendresse, l'amitié et la nostalgie tiennent d'une main obligée mais ferme la violence, l'injustice, la haine, des armées de rancœur...

On avait de la sorte adoré Le Soleil des Scorta et La Mort du roi Tsongor. Et l'on aimera tout autant ce recueils de récits - des nouvelles ? De minuscules romans ? - rassemblant une œuvre. Et quand on sait que Laurent Gaudé est jeune, on respire mieux encore ; on est en droit d'espérer d'autres superbes romans.

Un négrier hanté, à Saint Malo, par le spectre d'un esclave échappé, homme fantôme jouant d'une main experte, et de onze doigts, avec les nerfs de son tortionnaire – “Sang négrier”... La touchante fin de course d'un vieux poète juif new-yorkais, revenant à l'hôtel du souvenir : une nuit d'amour vieille de décades, et mille madeleines de virevolter autour du vieillard, seul au milieu de la noria des touristes, ramené vers sa jeunesse bohème, son amante disparue, et un New-York désormais révolu... – “Gramercy Park Hotel”. ”Toute ma vie est là. J’ai des souvenirs à chaque carrefour. Union Square. Je me souviens. Nous étions des traitres, des pédés, des bolcheviks. Il faisait froid à New York. L’Amérique s’armait contre le froid. Remparts de couvertures. Palissades de dollars. L’Amérique se réchauffait autour d’un champignon atomique”. L'errance d'un ancien poilu devenu chef de guerre africain, pollué par la violence, brutalisé par l'histoire... – “Le Colonel Barbaque”. Et les veillées de soldats de la mer portugais, quelque part dans un port, sous le regard complice et amical de leur hôte – “Dans la nuit mozambique”.

Autant de parcours qu’on aimera suivre, peut-être trop courts, matières à romans en soi. Il est question du temps qui passe, de ses ravages, de l’écume des souvenirs, de l’étrange entrelacement du Bien et du Mal en chaque homme, et du damier où vivent et meurent des êtres pris dans les rets de l’histoire : ”La vie en est bien capable, elle. Elle nous chahute sans cesse, nous projette du bonheur au malheur sans logique, sans ménagement. Je rêve d’un homme capable d’assumer cette folie. Pleurer les jours de joie et rire en pleine douleur”.


Bruno Portesi
( Mis en ligne le 16/09/2011 )
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