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Poches -> Littérature |
| Philip Roth Un homme Gallimard - Folio 2009 / 4,80 € - 31.44 ffr. / 181 pages ISBN : 978-2-07-035993-6 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication française en novembre 2007 (Gallimard - Du Monde entier).
Traduction de Josée Kamoun. Imprimer
Philip Roth fait partie de ces quelques auteurs sur les livres desquels ont se jette avec une telle gourmandise quon regrette aussitôt de les avoir si vite lus. De ceux qui, fort heureusement, font croire encore en les vertus de la littérature, sa beauté, les évasions quelle provoque, les enseignements quelle offre.
Roman de leffacement, Un homme est cette célébration de la vie dans son négatif chimique, via la maladie et la mort : une autobiographie par le corps et ses caprices, de lenfance au dernier souffle. «Il ny avait que le corps, né pour vivre et mourir selon les termes décidés par les corps nés et morts avant nous». Et un cas détude pour broder sur notre universelle condition, nouvel alter-ego de lécrivain génial : un homme sur la fin, cadavre assistant à ses obsèques (car une âme, malgré tout, résiste à lassaut physique sur une vie qui doit se conclure, semble nous chuchoter lauteur) et qui, plutôt que de rejoindre lOmbre, se réfugie dans les souvenirs laissés par le corps, la première opération, une hernie, quand il avait 9 ans, jusquà la dernière, énième pontage cardiaque dont il ne ressort pas
En quelques 180 pages, ce qui est trop court mais semble convenir ici au propos choisi, Philip Roth malmène cet autre lui qui est aussi un «nous», publicitaire à succès, homme à femmes en digne anti-héros rothien, trois fois marié, père denfants qui, certains, le détestent, dautres sa fille lui conservent leur amour, frère dun homme dont il admire laura, la carrure et la forme, au point, quand sonne le glas, de lui vouer une jalousie naturelle, animale, fraternelle en somme. Le corps se délabre à un feu pas si lent, pris dans le ressac du temps qui passe, et dont lhistoire, elle aussi, porte les marques : dès le lendemain de lattaque contre les tours jumelles du World Trade Center, notre homme fuit New York pour fuir la mort : dans un de ces villages pour retraités aisés, il côtoie la maladie en se mettant à la peinture. Mais la création peine à sourdre quand le corps sen va : en plus de ses interventions chirurgicales, notre ami constate aussi sa «vasectomie esthétique irréversible». «Et rien dans sa perfection physique quil ait la moindre raison de ne pas tenir pour acquis», pensait-il, jeune
Pourtant
Tout Roth est dans ces quelques lignes : leffort de rendre intelligible ces fées insaisissables que sont la vie et la mort, lamour et lenvie, lessence dun être. Dune boutique dhorloger («le temps sen va, le temps sen va, ma Dame»
), tenue par son père, au cimetière juif où il rejoindra les siens, notre «homme» hurle jusquau déchirement sa soif de vie, dans lincompréhension de sa défaite finale. Sublime.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 06/03/2009 ) Imprimer
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