| Daniel Alarcón Lost City Radio 10/18 - Domaine étranger 2010 / 7,90 € - 51.75 ffr. / 381 pages ISBN : 978-2-264-05133-2 FORMAT : 11cmx18cm
Première publication française en février 2008 (Albin Michel)
Traduction de Pierre Guglielmina. Imprimer
Nous sommes dans un pays sans nom, sans identité, un pays que lon devine sud-américain, un pays replié sur lui-même. A sa tête, une dictature sourde et menaçante qui sinfiltre jusque dans les veines, elle est partout, elle scrute, attentive au moindre faux pas. Pourtant, il ny a pas de révolte, le verbe nexiste plus, les livres sont depuis longtemps détruits, on apprend à survivre, à accepter cette vie muselée.
Seule la voix de Norma, animatrice de Lost City Radio, cristallise lespoir de toute une nation. Chaque dimanche, elle énumère le nom des portés disparus. Des noms par milliers, des noms sans visage, des noms pour rien, car personne nest jamais revenu. Et pourtant, Norma scande inlassablement de nouveaux noms, dans un silence religieux. Mère de tout un peuple, marraine de tous les chagrins, Norma est le symbole des petites gens, qui ont perdu un père, un mari, un frère. Les histoires se ressemblent toutes, Norma en a la nausée, de ces noms, de ces flots de souffrance ; elle, la veuve, la femme dun porté disparu, elle garde comme tant dautres la croyance folle de le retrouver au fond dune prison ou dans une jungle perdue. Mais ne se cache-t-on pas facilement dans son propre malheur, nest-il pas rassurant, nest-ce pas une lâcheté quotidienne, une attente illusoire ?
Livre à lunivers oppressant, Lost City Radio est la voix des anonymes, de ceux qui ne sont rien, quon mutile. Il ny a pas despoir, tout comme cette langue acide et directe, une langue qui sentrecoupe de souvenirs toujours présents, des souvenirs qui chevauchent un quotidien sans lendemain. Lécriture de Daniel Alarcon devient alors une arme contre loubli, à la poésie rare et bouleversante, qui entraîne son lecteur dans un monde à lintense âpreté.
Que les lecteurs ne se trompent pas, le premier roman de Daniel Alarcon est dune insolente réussite. Incontournable.
Catherine Martinez-Scherrer ( Mis en ligne le 12/05/2010 ) Imprimer | | |