L'actualité du livre Mercredi 17 avril 2024
  
 
     
Le Livre
Poches  ->  
Littérature
Essais & documents
Histoire
Policier & suspense
Science-fiction

Notre équipe
Littérature
Essais & documents
Philosophie
Histoire & Sciences sociales
Beaux arts / Beaux livres
Bande dessinée
Jeunesse
Art de vivre
Sciences, écologie & Médecine
Rayon gay & lesbien
Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un auteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Poches  ->  Littérature  
 

La mort moderne
Françoise Chandernagor   La Voyageuse de la nuit
Gallimard - Folio 2008 /  7.90 € - 51.75 ffr. / 415 pages
ISBN : 978-2-07-035813-7
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.
Imprimer

Françoise Chandernagor est née en 1945. Elle est la fille d'André Chandernagor, ancien député de la Creuse et ministre du gouvernement Pierre Mauroy. Ancienne élève de l'ENA, elle devient membre du Conseil d'État en 1969, quitte l'administration et abandonne sa carrière de fonctionnaire en 1993 pour se consacrer entièrement à l'écriture. Elle est membre de l'Académie Goncourt. Elle a écrit huit romans et une pièce de théâtre (L'Allée du Roi, L'Archange de Vienne, L'Enfant aux loups, L'Enfant des Lumières, etc.).

"C'est plus tard, à Paris, que j'ai dû m'habituer à la mort cachée. Hôpital, paravents, isolement, fuite des familles, fuite des soignants, dernier soupir à la sauvette, sortie par la porte de service, prise en charge par des "pros", mise au frigo, cercueil en prêt-à-porter, corbillard banalisé, exfiltration définitive par incinération... Le "disparu" ne repassait même pas par sa maison! Je rencontrais des hommes de trente ans qui n'avaient jamais croisé un cadavre, des femmes de quarante qui ne savaient pas "préparer" un mort - ignoraient tout de la mentonnière, de l'abaissement des paupières, des tampons de coton qu'il s'agit de placer aux bons endroits, enfin auraient été bien incapables de fermer seules les "neuf portes" d'un corps aimé... Dans les grandes villes le décès, abstrait, avait remplacé la mort, obscène..." (pp.33-34)

Cet extrait dit à lui seul le sujet du roman. A une époque où l'on "détabouïse" à tout va, voilà une réalité que l'on évite soigneusement et que l'on préfère écarter, voire nier. Euthanasie, sport obsessionnel, hygiénisme ambiant, etc., tout est bon pour éviter le sujet, car la peur est toujours là. Ce n'est pas une nouveauté, la mort est "mal vue". Notre société préfère se réfugier dans la virtualité que dans la réalité. Bien sûr, à travers la mort, d'autres questions existentielles cruciales sont posées : que savons-nous de nos proches ? Quelle répercussion va avoir cette mort, et la mort d'une mère ? Comment vivre sans quelqu'un qui, d'une façon ou d'une autre, est celle qui nous a donné la vie ?

Il y a quatre soeurs dans ce roman, les soeurs Le Guellec, Katia (la narratrice), Véra, Sonia et Lisa. Puis un père, Yann. Et la mère, Olga, qui va mourir. Le titre La Voyageuse de nuit qui vient de Chateaubriand (Mémoires d'Outre-tombe), c'est elle, Olga. Quand elle apprend qu'elle a un cancer, elle coupe toute communication avec son entourage, ne parle plus, ne regarde plus rien. Ses filles doivent ouvrir leurs yeux pour comprendre ce qui se passe. Si aucune ne voit sa mère de la même façon, les quatre soeurs vont devoir découvrir la vérité sur leur famille (leur père si absent) et ouvrir les yeux aussi sur ce qui les attend, plus tard : leur propre mort.

Les quatre soeurs ne se connaissaient pas vraiment et ne s'aimaient qu'à travers leur mère, en fonction de ce qu'elle leur disait. Quand cette mère disparaît, il faut en quelque sorte reconstruire d'autres relations, soit enterrer l'indicible, soit affronter la difficile réalité. Ces quatre sœurs ne partagent cependant ni les mêmes vérités, ni, d'une certaine manière, la même mère. Qui était vraiment cette femme qui, tantôt, apparaît comme chaleureuse, tantôt comme une mère dévorante, destructrice ?

Peu à peu, autour de cette mort, se tisse un réseau dense de ce que peut être une famille et ses liens d’une complexité vertigineuse, entre les paroles dites, les non-dits, les rancoeurs, les dénis, les jalousies... Françoise Chandernagor cite à un moment le cinéaste Ingmar Bergman, et ce n’est pas anodin. Nous sommes ici dans un drame bergmanien.

Surtout, aucun masque new-age n'est posé sur cette mort pour en atténuer la tragédie. Il faudra au contraire supporter l’atroce vérité et la difficile réalité. Olga meurt salement, lentement alors qu'elle ne veut pas mourir. Elle ne veut pas d’amour. Elle souffre et personne ne peut rien. Tous les subterfuges tombent à l'eau. Françoise Chandernagor décrit avec beaucoup de précision la maladie et la mort, destin universellement partagé. Et si l'on peut reprocher une écriture un peu relâchée par moment, La Voyageuse de la nuit est un roman réussi, dur et sobre, bien loin des écrits narcissiques du moment...


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 10/07/2008 )
Imprimer
 
SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

 
  Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
Site réalisé en 2001 par Afiny
 
livre dvd