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Jeu de massacre
Théo Diricq   Encore un jour sans massacre - Journal d'un lycéen misanthrope
Pocket - Nouvelles voix 2010 /  5 € - 32.75 ffr. / 96 pages
ISBN : 978-2-266-19425-9
FORMAT : 11cmx18cm

Première publication en août 2008.

L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire d’un troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourd’hui à l’écriture de carnets et de romans. Il n’a pas publié entre autres Fou d’Hélène, L’Imprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence.

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Il fallait penser à mettre sous le même angle la rentrée littéraire avec la rentrée scolaire. C’est ce qu’a fait le jeune Théo Diricq en août 2008 dans ce roman écrit sous forme de journal intime (aujourd'hui en format poche). De septembre à juin, nous suivrons donc le parcours à la fois banal et riche en événements d’un lycéen quelque peu misanthrope, cynique et autant critique sur son école que sur la société de consommation dans laquelle il doit évoluer au quotidien.

Artus est une sorte d’écrivain-lycéen qui observe bien plus qu’il n’agit ; ce qui lui permet de relater dans son journal tous les menus faits quotidiens de sa classe de seconde, composée comme toutes les classes de lycée d’un certain nombre de figures archétypales : il y a le fayot, la bimbo, la suicidaire, le rival, le beau gosse, l’élève sérieuse, l’intello, le misanthrope asocial et la masse indifférente qui fait acte de présence. En neuf mois, l’ami Artus va tomber amoureux, puis se faire quitter, mépriser les siens, se réconcilier avec certains mais il va surtout émettre un avis très critique sur ses camarades, ses professeurs, et plus généralement sur le système éducatif et libéral qu’il doit supporter depuis sa prime enfance.

Dans un style renvoyant directement à l’âge du jeune homme, c’est-à-dire la plupart du temps oral et populaire, le propos est à la fois méchant, volontairement subversif, provocateur et cynique. Le suicide d’une camarade de classe, s’il provoque la consternation de la classe, n’est qu’un détail de plus à noter pour lui, la disparition de la jeune fille faisant finalement partie du jeu de massacre auquel il s’adonne depuis le début du journal. Artus est un provocateur frustré et mal dans sa peau, et l’écriture lui donne un second souffle, une échappatoire qui lui permet à la fois de se connaître et d’agir différemment sur la réalité qu’il trouve basse, décevante et triviale.

Artus est donc un lycéen lucide et c’est ainsi qu’il ironise sur lui-même (en fait, c’est plutôt un looser attachant, devenant lui-même l’archétype du faux méchant mal aimé) ; il n’est finalement pas sans sentiment pour les siens. Il s’amourache de Lola et partagera avec elle les moments précieux d’une première relation physique jusqu’à ce que la jeune fille se sépare de lui, convaincue de sa trop grande différence…

Encore un jour sans massacre est un roman assez bien construit, malgré les maladresses inévitables d’un premier livre écrit par un tout jeune homme (17 ans au moment de la rédaction). Son titre éloquent fait référence à la triste célèbre fusillade du lycée de Colombine en 1999, qui hante d'une certaine façon tout le récit. La solitude, la modernité, la célébrité factice, l’argent, la sexualité, la violence et le pouvoir facile obsèdent ces jeunes esprits, et si Artus est assez intelligent pour ne pas sombrer dans l’horreur, la pirouette finale, bien évidemment ironique et teintée de distance, dresse un portrait intéressant de ce monde lycéen perturbant et perturbé. «J’ai pensé à reporter mes nobles intentions dans l’hypermarché le plus proche. Tuer des ménagères n’est pas aussi jouissif qu’exécuter des lycéens, mais ça permet quand même de se soulager et d’entrer dans l’histoire. (…) Je suis donc rentré chez moi la tête basse et je me suis contenté de brûler les photos de ceux qui auraient dû mourir, dans une pitoyable mise en scène».

«Encore un jour sans massacre», car chaque jour est un massacre indicible, semble nous faire comprendre le jeune homme à travers l’écriture. Un massacre fait de silences, de renvois dans une solitude terrible ou dans une frustration de chaque jour. L’écrivain est celui qui massacre sans tuer, qui fusille d’une plume juste et parfois méchante les bassesses des uns et des autres, se confondant lui aussi dans cette paralysie sociale inéluctable. Une tuerie sans une goutte de sang, c’est aussi cela l’esprit littéraire. Et un bel hommage à nos lycéens, trop souvent oubliés.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 20/07/2010 )
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