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Une biographie
Bernard Violet   Mylène Farmer
J'ai lu - Biographie 2006 /  5.80 € - 37.99 ffr.
ISBN : 2-290-34916-X
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en novembre 2004 (Fayard).

L'auteur du compte rendu : Caroline Bee est éditrice et journaliste et co-gère le site Parutions.com. Elle est auteur et co-auteur de deux ouvrages consacrés à Mylène Farmer : Mylène Farmer, l’ange blessé (Librio, 2003), La Part d’ombre, avec Antoine Bioy et Benjamin Thiry, préfacé par Amélie Nothomb (Archipoche, 2006). En 2005, elle a co-fondé la maison d'édition K&B.

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En «s’attaquant» au morceau de taille qu’est Mylène Farmer, le journaliste Bernard Violet, connu pour ses essais sulfureux (Ben Barka, le terroriste Carlos, Maurice Papon, les finances de Mitterrand…) a eu bien du courage. Après avoir publié un livre scandale sur Alain Delon en 2000 (que ce dernier voulut faire interdire), puis d’autres, plus consensuels, sur Johnny Hallyday (2003) et l’Abbé Pierre (2004), Violet a jeté son dévolu sur Mylène Farmer, la star la plus énigmatique de la chanson française, adulée par des milliers de fans et énorme vendeuse de disques. Évidemment, le sujet est vendeur et de surcroît excitant, puisque rien ne semble pouvoir faire sortir la chanteuse de son mutisme. Depuis 2001, Mylène n’a en effet accordé aucune interview, se montre très rarement en public, et chacun de ses faits et gestes est l’objet de mille rumeurs et conjectures.

Le pendant de ce jeu de cache-cache que la star entretient avec les médias est que le «mythe» Farmer intrigue les journalistes de tous horizons, qui cherchent par tous les moyens à comprendre la dévotion incroyable dont la chanteuse fait l’objet ainsi que son immense succès. Ainsi, pas moins d’une dizaine d’ouvrages lui ont été consacrés depuis l’an 2000, avec plus ou moins de réussite. Car vouloir retracer la carrière et la vie de Mylène, c’est également se heurter à d’énormes difficultés pour obtenir des informations fiables. L’entourage privé et professionnel de la star est difficilement accessible, et, Mylène ne démentant presque rien la concernant, les rumeurs les plus saugrenues courent à son sujet, laissant se constituer, au fil du temps, une sorte de biographie parallèle et imaginaire, relayée par les médias. De plus, Mylène est régulièrement suivie par des «stalkers» – ces fans extrémistes qui vouent leur existence à une star – qui rapportent sur des sites Internet le moindre de ses déplacements. Tous les admirateurs sont ainsi régulièrement tenus au courant des récentes nouvelles de la chanteuse, jusqu’à ses goûts culinaires ou ses dernières conquêtes. Bref, difficile d’apporter quelque chose d’inédit au paysage «farmerien», à moins de s’y intéresser de très près, et très précisément. On comprend donc ce qui a pu titiller le sens de l’investigation de Bernard Violet. Le problème est qu’il s’est cassé les dents sur deux éléments importants : le fond de sa biographie, qui n’apporte pas d’élément capital et entretient la légende, et surtout sa stratégie de communication autour du livre, stratégie qui s’est terminée par un camouflet.

Rendons d’abord grâce à Bernard Violet sur deux points. D’une part, il a une belle plume, et son ouvrage se lit très agréablement, comme un roman ; d’autre part, il a effectué un énorme travail de recherche, et se montre très précis. Malgré tout, n’étant pas un grand connaisseur de l’univers de la chanteuse, il commet des confusions et n’apporte pas de regard éclairant sur une œuvre complexe. Sachant sans doute qu’il ne pourrait pas percer aussi facilement le «mythe» Farmer, Bernard Violet est parti d’un point de départ inédit : il a longuement enquêté au Canada, où la chanteuse a passé ses 8 premières années, espérant retrouver la trace de son enfance. Mais hélas, il assomme le lecteur de détails interminables sur la généalogie de la famille Gautier (patronyme de la chanteuse), raconte avec complaisance ses rencontres avec des voisins qui ont connu Mylène enfant, et se perd dans des descriptions qui ne font absolument pas avancer les choses. Les interviews de personnes qui ont côtoyé Mylène Gautier de sa naissance jusqu’à ses 18 ans n’apportent pas d’explication à la construction d’un personnage public devenu icône au fil du temps, une construction qui a réellement commencé avec la rencontre entre Mylène et son complice Laurent Boutonnat dans les années 80.

Sentant probablement que ses pérégrinations canadiennes ne suffiraient pas, Bernard Violet essaye une autre arme : faire sortir la chanteuse de ses gonds. Nous nous doutons bien qu’au fil de ses enquêtes, Violet a accumulé beaucoup de détails très intimes sur la chanteuse, détails qui ne sont absolument pas publiables en l’état, car ils relèvent de la vie privée. À l’été 2004, le journaliste envoie donc un courrier à Mylène Farmer, en lui proposant de collaborer et en lui demandant certains éclairages sur ce qu’il a pu «découvrir» à son sujet. Une réponse ne tarde pas, avec un refus catégorique de collaborer. C’est à partir de cet échange épistolaire – dont on sait peu de choses – visiblement très peu aimable, voire menaçant, que Violet va monter sa stratégie marketing : si la star se montre tellement virulente à son égard, c’est que le livre la gêne. Entre-temps, Mylène transmet le dossier à un avocat, et aux dires de Violet, quelques passages sont expurgés – d’où la présence de ces nombreuses pages blanches à la fin du livre ? On peut supposer une raison à ce courroux de la dame rousse : Violet a réussi le tour de force d’approcher une personne de sa famille, en l’occurrence sa mère Marguerite, qui s’exprime ici pour la première fois. Reste à savoir comment Bernard Violet a présenté son travail à madame Gautier mère. S’est-il fait passer pour un proche ? A-t-il profité de la confiance d’une vieille femme, de surcroît malvoyante ? Toujours est-il que la discrète Marguerite Gautier ne révèlera rien de bien croustillant sur sa fille au fil des pages !

Fin stratège, Bernard Violet fait monter la sauce d’un cran lorsqu’il annonce, quelques jours avant la sortie du livre, que sa biographie révèle le «pivot psychotique» de l’œuvre de Mylène, un traumatisme qu’elle aurait subi étant enfant. La chanteuse ayant parfois évoqué l’inceste et le viol dans ses chansons et ses clips, les médias s’enflamment : enfin une biographie «sulfureuse» de Mylène, avec scoops à l’appui. Mais quelques journaux, dont VSD et Voici, révèlent l’affaire en avant-première … et provoquent une hilarité générale. Car le «pivot psychotique» de l’œuvre est un peu maigre. Qu’est-ce qui est donc arrivé à la petite Mylène, alors qu’elle était enfant ? Un jour qu’elle se rend à son école, au Canada, Mylène caresse un putois, animal très odorant. Hélas pour elle, elle porte sur elle une odeur pestilentielle toute la journée, ce qui lui vaut les quolibets de ses camarades ! Revenue chez elle, ses parents décident de la plonger dans un bain de tomates, seul remède pour faire partir l’indélicat fumet. D’où, selon l’ouvrage, l’attrait de la chanteuse pour le sang ! Évidemment, avec une révélation aussi fracassante, pas étonnant que Bernard Violet ait tendu le baton pour se faire battre, surtout quand on sait que l’œuvre de Mylène Farmer est en fait celle de deux personnes, absolument indissociables : Mylène elle-même et Laurent Boutonnat. L’affaire du putois s’est finalement terminée par un véritable lynchage médiatique dans l’émission On ne peut pas plaire à tout le monde, où Bernard Violet a violemment été pris à parti quant à ses méthodes d’investigation – l’interview de Marguerite Gautier – et sans cesse interrompu par des fous-rires des invités présents et les huées du public tandis qu’il s’expliquait. Avouons que la charge était un peu lourde – Marc-Olivier Fogiel avait auparavant eu des contacts téléphoniques avec Thierry Suc, le manager de la star – et qu’elle était gratuitement humiliante.

Voilà donc une biographie soi-disant sulfureuse qui finit par se retourner contre son auteur, lequel a sans doute présagé de ses forces de stratégie marketing. Force est de constater que Mylène Farmer continue d’adopter par rapport à sa personne privée la formule qu’elle confiait déjà en 1986 : «On peut parler de mon métier mais, pour le reste, je suis à la lettre une vieille recette de star : je n’explique rien, vous devinez tout, et j’entretiens le mystère…». Et gare à celui qui s’aviserait de lui chercher noise…


Caroline Bee
( Mis en ligne le 17/05/2006 )
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