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LA synthèse sur le fascisme !
Emilio Gentile   Qu'est-ce que le fascisme? - Histoire et interprétation
Gallimard - Folio histoire 2004 /  9.90 € - 64.85 ffr. / 528 pages
ISBN : 2-07-030387-X
FORMAT : 11x18 cm

L'auteur du compte rendu: Gilles Ferragu est maître de conférences à l’université Paris X – Nanterre et à l’IEP de Paris.
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S’il est, dans notre société, un mot particulièrement galvaudé, c’est bien ce mot «fascisme», utilisé de manière péremptoire pour désigner à peu près n’importe quelle forme d’autorité considérée comme suspecte ou illégitime… Dans la presse polémique comme dans le langage courant de révolutionnaires d’opérette, le «tout fascisme» fait partie de ces lieux communs qui permettent de discréditer rapidement un adversaire avec lequel on n’a pas envie (ou moyen) de débattre. Pour plagier Sartre, on dira que «le fascisme, c’est les autres !». Il est donc utile de resituer le mot, sinon le concept, dans l’histoire, de le définir et d’en souligner les spécificités. En tant qu’idéologie, c'est-à-dire un système de représentation du monde, le fascisme est en effet marqué dans l’histoire, phénomène important d’un XXe siècle ravagé par les totalitarismes.

L’objet n’est du reste pas délaissé par les historiens, et la France dispose de bons spécialistes universitaires du fascisme, dans la foulée des travaux de Pierre Milza et de ses élèves (D. Musiedlak, M.A. Mattard…). Mais il faut déplorer que ces recherches aient parfois occulté l’importante production transalpine (et anglo-saxonne), ainsi que les nombreuses discussions, tout aussi importantes, qui agitèrent le monde universitaire italien. En traduisant l’ouvrage d’Emilio Gentile, professeur d’histoire à l’université La Sapienza de Rome et l’un des spécialistes majeurs du fascisme, élève rétif de Renzo de Felice, Pierre-Emmanuel Dauzat ouvre à la France l’intelligence d’un débat qui, depuis longtemps, nous échappait quelque peu et entrouvre la porte encore un peu plus à la riche historiographie italienne (comme le faisait récemment l’ouvrage de S. Lupo).

E. Gentile procède de manière fort pédagogique, sans être réductrice : en envisageant, dans un premier temps, la singularité du phénomène fasciste, confrontée à la multiplicité des interprétations. Car le phénomène, si singulier, est un miroir où nombre de régimes autoritaires vont vouloir se refléter. S’il est possible de penser le fascisme à part et d’en esquisser un tableau historique et politique, il faut toutefois l’envisager dans son siècle (et Gentile pose d’ailleurs la question désormais classique de la comparaison avec le communisme). On ressort de cette première partie armé d’une définition solide, qui mêle les dimensions organisationnelle, culturelle et institutionnelle, et qui permet d’envisager plus clairement une idéologie que l’on a pu définir comme «une somme infinie de négations» (R. de Felice).

En effet, dans un deuxième temps, E. Gentile tente une typologie de l’idéologie fasciste en posant les diverses questions qui fondent autant d’historiographies variées : le fascisme fut-il une révolution (un mythe qui opère durant tout le XXe siècle) ? une religion politique ? (le lecteur francophone se réfèrera à cet égard à l’étude fondamentale du même E. Gentile publiée en 2002 chez Flammarion, La Religion fasciste), l’aboutissement d’un processus de «brutalisation» des sociétés (pour reprendre le concept de l’historien G. Mosse) ? Revenant sur les critères classiques de définition du totalitarisme, il analyse l’évolution du PNF et la place particulière du parti fasciste dans ses rapports avec les masses, l’Etat et le «chef», comme le produit d’une révolution qui se rigidifie. Comme construction idéologique, le fascisme s’articule également autour de la figure du chef : pionnier d’un type de régime qui connaît son aboutissement par la suite, Mussolini fait l’objet d’une réflexion semblable aux querelles historiographiques allemandes au sujet d’Hitler. Autre fondement du régime et revendication originelle, la notion de modernité qui confère au nouveau pouvoir sa légitimité en terme de pratiques politiques (justifiant la violence squadriste elle-même), avec, en horizon (forcément indépassable) le projet de création d’un «homme nouveau». E. Gentile conclut par un plaidoyer pour une histoire objective du fascisme relu à l’aune de notre temps, c'est-à-dire dans le contexte d’un idéal démocratique à défendre.

Le titre fait bien évidemment référence à l’ouvrage, paru dans la même collection, de Ian Kershaw, étude essentielle sur le nazisme. Mais la comparaison ne s’arrête heureusement pas là, car l’ouvrage est d’une qualité similaire. En mettant en scène une histoire problématisée du fascisme autour de quelques questions fondamentales, E. Gentile livre une étude qui, sans être toujours d’un accès facile, s’avère extrêmement précieuse pour la compréhension du phénomène. Alliant la rigueur des analyses à un bonheur de style dont il faut également remercier le traducteur, cette synthèse est à la fois très accessible et très ambitieuse. L’ouvrage est forcément destiné à devenir un classique concernant cette question.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 03/05/2004 )
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A lire également sur parutions.com:
  • Le Fascisme italien
       de Salvatore Lupo
  • La Religion fasciste
       de Emilio Gentile
  • La révolution fasciste
       de George L. Mosse
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