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Poches -> Policier & suspense |
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Intrigues à la cour de Cléopâtre | | | Steven Saylor Le Jugement de César 10/18 - Grands détectives 2007 / 8.50 € - 55.68 ffr. / 412 pages ISBN : 978-2-264-04577-5 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Traduction de Georges Brasel. Imprimer
A la fin de La Dernière prophétie, Gordianus le limier, lattachant héros de Steven Saylor, décide daller en Egypte avec son épouse Béthesda, afin de tenter de guérir cette dernière du mal mystérieux qui la ronge... Au début de son nouveau polar historique, Le Jugement de César, le romancier américain nous présente le couple, accompagné de ses serviteurs Mopsus et Androclès, ainsi que du sourd-muet Rupa, arrivant en vue dAlexandrie. Retour aux sources fort émouvant, car cest dans la capitale des Lagides que Gordianus avait acheté la belle esclave judéo-égyptienne qui deviendra sa femme.
Mais le voyage se révèle fort mouvementé. Gordianus se retrouve ainsi aux prises avec Pompée et son épouse Cornélia, qui ont fui la Grèce pour se réfugier auprès de la cour dAlexandrie après la bataille de Pharsale ayant vu le triomphe de César sur les Pompéiens. Le limier craint pour sa vie, car un vieux contentieux oppose notre héros au «grand homme». De plus, son fils adoptif Méto, quil a pourtant renié, est un intime de César. Gordianus est ainsi une fois de plus mêlé à la grande histoire. En effet, il assiste tout dabord au meurtre de Pompée par Achillas, le général du roi lagide dEgypte Ptolémée XIII. Ce dernier nest quun adolescent de quinze ans, mais est engagé dans une lutte à mort avec sa sur et épouse Cléopâtre. Gordianus retrouve ensuite César et Méto, qui poursuivent Pompée et arrivent donc à Alexandrie. Il est le témoin de la fameuse scène du tapis qui permet à Cléopâtre dentrer en contact avec César et de revenir au palais, grâce à laide de son fidèle serviteur, le Sicilien Apollodorus.
Le portrait de la reine est conforme à ce que nous en disent les sources : certainement pas la beauté fatale du mythe, mais un charme indéniable : «Ce nétait pas la plus belle des jeunes femmes (
), mais ses traits forts et dessinés avaient quelque chose dintrigant. La reine Cléopâtre possédait un de ces visages qui deviennent de plus en plus captivants, à mesure quon les observe, car il donnait limpression de se transformer chaque fois que la lumière changeait dangle ou quelle bougeait la tête» (pp.196-197). Portrait qui rappelle celui de Plutarque : «On prétend que sa beauté, considérée en elle-même, nétait pas si incomparable quelle ravît détonnement et dadmiration, mais son commerce avait un attrait auquel il était impossible de résister ; les agréments de sa figure, soutenus des charmes de sa conversation et de toutes les grâces qui peuvent relever un heureux naturel, laissaient dans lâme un aiguillon qui pénétrait jusquau vif» (Vie dAntoine, 27).
Lintrigue se focalise ensuite sur la situation à la cour dAlexandrie. César souhaite réconcilier le frère et la sur, mais il va devoir choisir entre les deux héritiers des Ptolémées, doù le titre du roman. César hésite, car Ptolémée XIII nest pas chez Steven Saylor lenfant manipulé par son eunuque Pothinus auquel le cinéma et certains historiens nous ont habitué. Cest un adolescent que les intrigues et les luttes intestines ont prématurément mûri, et qui sait faire preuve du même charisme et de la même intelligence que sa sur honnie. Steven Saylor semploie ainsi à réhabiliter quelque peu ce vaincu de lhistoire. Dans sa postface, il fait part de son sentiment que les historiens, aveuglés par leur fascination pour Cléopâtre (et par les murs de leur propre temps), ont ignoré lhistoire tacite des décisions, politiques et personnelles, que César dut affronter dans sa lutte pour régler les affaires de lEtat et les affaires de cur de lEgypte.
Baignée dès son plus jeune âge dans les intrigues et les haines familiales (son père Ptolémée XII avait fait exécuter sa propre fille Bérénice IV, sur aînée de Cléopâtre), appartenant à une lignée incestueuse (il était courant de sy épouser entre frère et sur, renouant en cela avec une vieille tradition pharaonique) où il nétait pas rare de sentretuer dans la lutte pour le pouvoir, Cléopâtre était selon lui une déséquilibrée à la psychologie retorse. Complication supplémentaire, elle a pu se considérer sérieusement comme dascendance divine, prétendant incarner la fusion de légyptienne Isis et de la grecque Aphrodite. Cette propagande politico-religieuse ne pouvait dailleurs que rejoindre celle de César se prétendant descendant de Vénus. Steven Saylor montre ainsi limperator romain fasciné par le modèle monarchique hellénistique impliquant la célébration dun culte royal.
Le livre tient plus du roman historique classique que du polar. Gordianus cherche certes à élucider le mystère de la disparition de son épouse dans les eaux du Nil (est-elle morte noyée ? a-t-elle délibérément disparu ? et si oui, pourquoi ?), mais le premier assassinat quil doit élucider napparaît quau début du dernier tiers de louvrage. En loccurrence, il sagit dun empoisonnement où son fils Méto semble impliqué. Malgré sa brouille avec ce dernier, Gordianus mettra tout en uvre pour linnocenter, dévoilant les doubles jeux et les trahisons de nombreux courtisans alexandrins.
On ne boude en tout cas pas son plaisir à la lecture, tant lauteur sait ménager le suspense dun chapitre à lautre. Steven Saylor ressuscite une fois de plus avec brio les derniers temps de la République romaine, qui coïncident avec les derniers feux de lEgypte hellénistique, dernier royaume indépendant issu du partage de lempire dAlexandre entre ses généraux.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 25/07/2007 ) Imprimer
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