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Bande dessinée -> Autre |
| David Prudhomme Etienne Davodeau Emmanuel Guibert Marc-Antoine Mathieu Rabaté Troub's Rupestres ! Futuropolis 2011 / 25 € - 163.75 ffr. / 200 pages ISBN : 978-2-7548-0432-5 FORMAT : 19,5x26,5 cm Imprimer
Ils sont six. Etienne Davodeau, Emmanuel Guibert, Marc-Antoine Mathieu, David Prudhomme, Pascal Rabaté, Troubs. Ils forment le réseau « Clastres ». Un réseau à pseudonymes, « le Bison », « lAuroch » ou « lAbbé ». On croirait un groupe de résistants.
Et résistants, quelque part, ils le sont. À lheure où nos oreilles rebattent dune nouvelle mutation technologique qui mêle science-fiction et réalité, ceux-la ont décidé de remonter le temps. Et de trouver leur inspiration loin des écrans, dans les peintures rupestres du paléolithique.
Il y a quelques années (et parfois aujourdhui encore) on disait que la bande dessinée avait pris sa source sur les parois de ces grottes, ce qui est sans doute contestable. Pourtant ne faisons pas de contresens. Nos auteurs ne se revendiquent pas comme venant de la bande dessinée, mais dabord du livre. Et du dessin, bien sûr. La plupart ont déjà publié des reportages ou des croquis de voyage.
Le résultat est donc un curieux objet, fait de réflexions et dimages, labyrinthiques, tournant autour du mystère et du miracle du dessin premier. Pour devenir à leur tour des artistes à lancienne, nos six ont effacé leurs marques de fabrique, noyé leur personnalité dans un va-et-vient de formes et de styles, de couleurs et dobscurités, pour mieux retrouver le sentiment du collectif. Le lecteur parvient bien par moments à reconnaître si cest Emmanuel Guibert ou Etienne Davodeau qui sexprime, mais il ne peut pas déterminer avec précision quand il passe de lun à lautre, lequel il retrouve, à qui il doit telle ou telle page. Ce nest pas un hasard si David Prudhomme est à lorigine du projet, lui qui pratique justement lévolution du dessin au cur même de lhistoire, qui relâche son trait dans un mouvement permanent. Sous ces influences, même Marc-Antoine Mathieu séchappe de sa fermeté habituelle pour glisser des silhouettes évocatrices. Un retour aux sources de limage, en somme.
Plus radicaux encore, ils ont suivi avec Rabaté leur « envie de faire une histoire où le créateur na pas plus de réponses que le lecteur », où le sens du dessin approche la mystique. Il sagit surtout ici de se laisser porter par lémotion, de suivre les ombres. Dapprendre quelque chose de cette énergie effrayante portée par les pigments et par les profondeurs. Se rappeler que le vingt-et-unième siècle, qui nous paraît si imposant, aura peut-être du mal à durer aussi longtemps que ces premiers dessins.
Et pourtant, au fil des pages, les textes à la première personne viennent rendre leur individualité aux chasseurs-peintres, dans le face-à-face avec la page blanche. Et de-ci de-là, au plus près de la surface, quelques pages de fiction reviennent au moderne, y compris de Troubs, pourtant le moins raconteur dhistoires de la bande. Des cases bien cadrées, des bulles, et des couleurs numériques : un dialogue se fait à plus ou moins quinze mille ans, dune technique à une autre. Au retour à la surface, nos artistes ont laudace de terminer leur livre sur une série de photographies. Mais celles-ci sont parasitées par de nombreux signes venus du fond des âges: on ne ressort pas vraiment intacts dune rencontre avec nos ancêtres.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 23/04/2011 ) Imprimer
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