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Si je t’oublie, Jérusalem | | | Boaz & Moni Yakin Nick Bertozzi Jérusalem, portrait de famille Casterman - Ecritures 2013 / 21 € - 137.55 ffr. / 400 pages ISBN : 978-2-203-024090
FORMAT : 17x24 cm Imprimer
Jérusalem, 1945
comme de nombreux juifs arrivés depuis le milieu du XIXe siècle, la famille Halaby prie et espère que lAngleterre va finir par respecter sa promesse, celle faite par lord Balfour en 1917, et qui consistait à donner un foyer national au peuple juif. Mais en 1945, cette espérance se conclut par un proverbe : aide toi et le ciel taidera. En loccurrence, les autorités mandataires anglaises essaient désespérément de préserver léquilibre entre les communautés, avec de vieux réflexes colonialistes. Mais les temps ont changé, et au sein de la communauté juive, certains, de plus en plus nombreux, prônent la violence, lactivisme pour fonder un Etat juif en expulsant les Anglais. Cest le temps du terrorisme sioniste, celui de lIrgoun, du Lehi et bientôt de la révolte juive menée par la Haganah, la milice juive, ralliée à la violence
mais au sein de la famille Halaby, le débat nest pas si tranché : les uns penchent pour le sionisme au risque de la violence, les autres tendent vers Staline et le communisme qui doit forcément être libérateur, on sen remet à Dieu et à la providence, aux Anglais qui finiront bien par tenir leur promesse, et lon rêve dune terre dIsraël, ou dune Palestine partagée. Lhistoire dIsraël sécrit alors, celle des sabra nés sur la terre dIsraël, comme celle des rescapés du nazisme, à lexemple de Sylvia, une rescapée italienne, arrivée dans la famille Halaby, et qui doit sinsérer dans ce champ de mine politique quest la maison Halaby. Et puis il y a les dissensions familiales, la haine qui oppose les frères Yakov et Izak, les liens qui réunissent les cousins Halaby, les choix qui divisent les uns et les autres, action ou attente, guerre ou prière. Et, tout autour, à la fois comme un décor, une prison et un but : Jérusalem, une ville trop sainte pour être honnête.
Lalbum est bien pensé, sans parti pris ni manichéisme : lenjeu nest pas la dénonciation ou la légitimation, mais plutôt lévocation dun moment difficile, avec ses moments dhéroïsme, ses joies, et ses horreurs. A cet égard, le massacre de Deir Yassin, perpétré par les vétérans de lIrgoun et du Lehi, est exposé sans fard, de même que la guerre de 1948, avec son cortège dattentats et de morts. Au scénario, Boaz et Moni Yakin explorent lhistoire dune famille qui incarne, à travers le destin de ses différents éléments, toute la diversité des attitudes face à la question palestinienne. Bien menée, lintrigue sorganise comme au cinéma, par de savants allers-retours entre les divers personnages et leur point de vue
sans reculer devant les moments douloureux. Une histoire de famille servie par une belle mise en scène de Nick Bertozzi. Ce dernier a choisi le noir et blanc, ainsi quun trait assez sobre, réaliste qui va à lessentiel sans sencombrer de détails. Décor simples, ville réduite à son minimum, quelques murs, quelques maisons : lessentiel de Jérusalem est ailleurs, il nest pas comme dans la propriété physique dun objet, mais bien dans lappropriation sentimentale dun espace
et cest tout le problème. Nul ne veut se séparer de cette ville qui habite chacun de ses citoyens. En jouant constamment de la petite histoire de la famille Halaby, imbriquée dans la grande histoire, les auteurs livrent un beau roman graphique, dautant plus saisissant quil vise à lobjectivité. Une belle fresque de la naissance dIsraël, qui passionnera les amateurs dhistoire.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 13/05/2013 ) Imprimer
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