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Bande dessinée  ->  Historique  
 

En tout homme sommeille un cochon
 Ptiluc   La Foire aux cochons
Albin Michel 2000 /  12.52 € - 82.01 ffr. / 90 pages
ISBN : 2-226-10932-3
FORMAT : 24 X 32
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Une fois leur vie terrestre achevée, les plus méchants et vils d'entre les hommes se réincarnent dans un corps inattendu : celui d'un cochon immergé à jamais dans la douce vie campagnarde d'une ferme. Ainsi Napoléon, Victor Hugo, François Ferdinand de Hasbourg, Nicolas II, Staline, Hitler, Céline et consorts vont-ils se métamorphoser indéfiniment en porcs, condamnés ipso facto à être inlassablement égorgés, dépecés, embrochés, grillés... et à renaître pour connaître les même tourments ! Ayant planté ce savoureux décor - où la réalité la plus "normale" qui soit se donne comme un double-fond de la terreur des plus grands despotes et chefs totalitaires du XX° siècle -, l'auteur choisit de montrer l'évolution de la société française des années 20 aux années 90 telle que la perçoivent ces démons porcins. Outre la charge contre la mauvaise gestion politique, les magouilles financières et l'avidité atavique des hommes de pouvoir, Ptiluc dresse un portrait sans concession d'une société vouée au dépérissement au nom d'un progrès technologique cumulatif et irréversible.

Seuls témoins de la folie guerrière et de la soif d'orgueil des hommes, les vaches tenant compagnie aux verrats apparaissent alors comme ces "sages" qui, par leur sens inné de l'observation, mesurent toute l'inconscience de "l'homo faber" : cet homme créateur d'outils et dominant bientôt l'histoire.

Nos philosophes en herbe voient ainsi défiler à une allure qui va crescendo la première locomotive à vapeur, le tracteur, l'aéroplane, la voiture (de la Delaunay-Belleville à la 2 CV en passant par la Bugatti et la traction Citroën : quelle fresque !) puis l'ensemble des mass media, autant d'éléments produits par l'intelligence humaine rendant paradoxalement celle-ci de plus en plus dépendante de ses propres inventions. Héros involontaire d'un infâme éternel retour, Napoléon ne cesse de rêver aux conquêtes qu'il eût pu accomplir doté d'un tel matériel high tech. Cela, sous l'oeil morose d'un Hugo désenchanté, ne comprenant pas pourquoi Zola échappe à une telle punition, et qui finira "reproducteur" attitré ! Surplombant les cochons englués dans la fange de leurs illusions, exposés aux affres des guerres mondiales et à l'invasion de machines de plus en plus autonomes et déshumanisantes, c'est finalement toujours le point de vue de l'Histoire qui prend corps ici pour juger de la moralité et de la cohérence des actions humaines au sein de la planète.

Ainsi se trouvent dénoncés le népotisme et la confiscation du pouvoir, guidés par le seul intérêt commun au détriment du bonheur des populations. A l'instar de Napoléon mis à l'index - entre autres - pour avoir distribué les trônes d'Europe à sa famille, Hugo est blâmé parce qu'il a été trop léger avec la gent féminine, la Bande à Bonnot parce qu'elle s'est abandonnée aux sirènes de la vie bourgeoise... Les nouveaux arrivés dans la porcherie désirent tous en conséquence mettre un terme à cette grotesque métempsychose, cet "interminable cycle porcin". Mais victimes de leurs tares indélébiles, inconsistants reflets du mythe platonicien d'Er le Pamphylien, ils ne peuvent échapper à une vie (de) bête sub specie aeternitati.

Croisement hybride et maîtrisé de La ferme des animaux de Orwell et la "société de pourceaux" fustigée par Platon au livre II de la République, La Foire aux cochons frappe fort et ne manque jamais sa cible : attester en quoi "le pouvoir pourrit toujours celui le détient". S'il est souvent cru, le trait n'est pas inutilement cruel, le graphisme restituant avec un grand réalisme l'humanité de ces cochons que nous sommes. Ou plutôt, pour reprendre la formule d'un autre philosophe que toute bonne "vache" se doit d'apprécier, "l'insociable sociabilité" qui constitue somme toute le terrible lien nous unissant aux autres dans un même espace. Ce contrat social passé au vitriol et qui finit en eau de boudin à la qualité d'amener chez le lecteur aussi bien le rire qu'un regard critique sur toute volonté effrénée de consommation. Après tant de dévastation et d'agressions vaines charriées par l'histoire de nos civilisations, il ne "reste" certainement plus grand chose qui puisse racheter l'espèce humaine. Encore fallait-il avoir le talent de Ptiluc et "l'art" pour le dire !


Frédéric Grolleau
( Mis en ligne le 07/02/2000 )
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