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Bande dessinée  ->  Réaliste  
 

Misère des peuples
Anne Sibran   Emmanuel Lepage   La Terre sans mal
Dupuis - Aire Libre 2008 /  18 € - 117.9 ffr. / 80 pages
ISBN : 978-2800135496
FORMAT : 23 x 31 cm

Edition spéciale pour les 20 ans d’Aire Libre, tirée à 2500 exemplaires et présentée sous jaquette, enrichie d’un texte inédit d’Anne Sibran et de dessins d’Emmanuel Lepage, la plupart extraits de l’édition publiée par Canal BD en septembre 2000.
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A l’occasion des 20 ans de la collection Aire Libre, Dupuis publie une édition spéciale de cet album initialement paru en 1999 et qui a obtenu plusieurs prix, notamment en 2000 celui des Libraires de Bande dessinée. Anne Sibran, qui a signé depuis des scénarios remarquables et remarqués (notamment Là-Bas, en 2003, avec Tronchet au dessin), tisse dans La Terre sans mal un récit à fleur de peau magnifiquement mis en images par Emmanuel Lepage (Muchacho).

L’histoire est celle d’Eliane Goldschmidt, une jeune linguiste française qui, en février 1939, entame son troisième séjour dans une tribu d’Indiens Mbyas du Paraguay pour étudier leur langue. Là-bas, elle n’est plus Eliane mais Napagnouma, « la femme blanche qui fait pleurer son bâton ». Tout ce qu’elle voit, tout ce qu’elle vit avec eux, elle le note en effet dans ses carnets, qui sont le fil rouge de la narration dans l’album. Derrière la joie de vivre des enfants à son arrivée, Eliane découvre une autre réalité : les Mbyas semblent avoir perdu «le goût de lutter», ils négligent leurs terres, dorment toute la journée, comme s’ils se laissaient mourir. Les mois passent et, un matin de septembre, un sursaut d’activité s’empare de la tribu : l’Homme-Dieu, le dernier « Karaï » (prophète), va venir les chercher pour les conduire à la Terre sans Mal, mythique paradis de la légende indienne. Eliane va suivre, hallucinée et éreintée, ce cruel pèlerinage qui va durer des mois.

C’est à travers les yeux d’Eliane, qui perd progressivement une partie de son identité d’Occidentale pour ressembler de plus en plus aux Indiens, ses que le lecteur accompagne l’odyssée dramatique d’un peuple mourant. Peu à peu, le regard confiant de la jeune femme sur l’humanité perd jusqu’à la moindre de ses illusions, et le récit est ainsi comme une lente descente aux enfers, sur tous les fronts. Pendant qu’Eliane est au Paraguay, en effet, la guerre a éclaté en Europe, et le destin tragique de la famille Goldschmidt vient faire écho à la misère du sort des Indiens Mbyas. Dans ce récit bien sombre, Anne Sibran fait briller la poésie du texte, avec des dialogues souvent mystiques. Un album envoûtant que cette réédition donne l’occasion de redécouvrir.


Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 24/07/2008 )
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