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Bande dessinée -> Fantastique |
| Ryan Andrews Je n’ai rien oublié Delcourt - Outsider 2015 / 16.95 € - 111.02 ffr. / 128 pages ISBN : 978-2-7560-6559-5 FORMAT : 19x26,7 cm Imprimer
Quatre histoires composent ce recueil. Quatre histoires tirées du site de Ryan Andrews, auteur américain expatrié au Japon. Deux pays dadoption, et deux grandes influences, le cinéma fantastique américain et Miyazaki pour aller très vite, qui se retrouvent finement équilibrées dans tout louvrage. On croise par ici des êtres sortis de Princesse Mononoké ayant chipé le parapluie de Totoro, et par là cest un cimetière gothique digne dun Tim Burton qui aurait encore une fois trop regardé les films de la Hammer. Mais au-delà de ces inspirations évidentes, il y a un ton particulier dans chacune de ces histoires, une empreinte propre, à défaut dun véritable univers dauteur tout de suite familier. Si Ryan Andrews se cherche encore, notamment graphiquement, il y a tout de même une belle unité dans toutes ces pages.
En détail maintenant : « Le Tunnel » est lune de ces histoires où le fantastique bizarre et lhorreur poisseuse surviennent au détour du quotidien le plus banal, comme le rêve idiot qui devient, sans que lon sy attende, un effrayant cauchemar. Si lhistoire ne manque pas dattrait, elle reste un exercice un peu vain, et tourne malheureusement littéralement en rond. Cest le point faible de lalbum, les trois autres récits étant dune plus haute tenue, aussi bien narrativement que graphiquement.
« Sarah et la petite graine » est une étrange histoire à la fantaisie noire, comme un récit de Grimm qui aurait mal tourné et qui aurait pris quelques détours inquiétants avant de retrouver, dans ses derniers instants, le droit chemin du conte de fées. Il y a en effet derrière les codes du genre (les enfants qui naissent dans les choux, le couple de vieux parents dans une grande maison vide
), un malaise apparent et des angoisses profondes. Et même si le happy-end est au rendez-vous, il reste un arrière goût de gâté dans la bouche.
« Je nai rien oublié » qui donne son titre (et sa superbe couverture) à lalbum est une autre merveille, dune grande pureté narrative, sans paroles, et émouvante dans la simplicité de ses évocations et des sentiments universels exprimés : le deuil, la solitude, la peur du noir et de labandon.
Enfin, « Rouge sang », le récit qui ouvre le recueil est sans doute le plus marquant au point de revenir en mémoire longtemps après sa lecture. Lhistoire est celle dun souvenir denfant, de ceux qui vous marquent une vie, qui ne soublient jamais. Cest dailleurs lhistoire dune tache qui ne sefface pas : celle du sang sur le toit de la maison familiale après que des oies sy soient écrasées. Le sang est toujours là, et quand les trois frères ne sont pas sages il sont punis par leur père et sont chargés de nettoyer ce toit. Mais la maison est indélébilement marquée, comme mystérieusement maudite, et dans ces teintes de cendres qui habillent les dessins de Ryan Andrews, ce rouge écarlate est encore plus monstrueux. On le voit ici, le fantastique à luvre dans les trois autres récits nest plus que lointain, et si le prétexte est étrange (les oies qui sécrasent), il reste plausible. Cest tout ce qui en découle (la sévérité du père, le temps qui passe, linnocence face à la mort implacable) qui rend le malaise très présent.
Les fables noires et grises de Andrews ont ce côté universel et limpide qui font quelles nous parlent immédiatement et font résonner quelque chose en chacun. Et les quelques éléments dérangeants qui émaillent chaque récit donnent à lensemble des allures de petites poésies diaboliques. Assurément un auteur à suivre.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 08/04/2015 ) Imprimer | | |
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