| Marc Védrines Islandia (tome 2) - Les Fjords de l'ouest Dargaud 2007 / 13 € - 85.15 ffr. / 52 pages ISBN : 9782205059168 FORMAT : 24x32 cm Imprimer
Islande, terre de contrastes
Pour Jacques, un petit Français passé dans lîle comme passager clandestin sur un bateau de pêche, lIslande est avant tout une clef pour répondre à des questions qui lobsèdent, comprendre lorigine de visions surnaturelles. Mais dans ce monde sauvage, longtemps avant que Jules Verne ny situe le passage vers le centre de la Terre, la religion domine, sans compromis, et le surnaturel, cest forcément le diable, la sorcellerie. Gare à linquisition ou ce qui en tient lieu dans la culture protestante, à savoir un pasteur tout puissant aux méthodes expéditives, qui sest mis en chasse contre le démon, en loccurrence, une sorcière puissante. Superstition pense-t-on ? Oui, mais sur la terre des trolls et des elfes, le surnaturel peut réserver des surprises. Jacques erre donc dans un paysage désolé, en quête de réponses : au hasard de ses rencontres, il découvre peu à peu la société, la culture islandaises et comme le lecteur simprègne dune atmosphère particulière, mélange de ferveur, disolement et de communautarisme forcené. Jusquà comprendre enfin le sens de ses visions, et découvrir qui il est réellement
Et si la vérité était ailleurs ?
Avec Islandia, Marc Védrines na pas choisi la facilité : décor minéral et plutôt désertique, paysages de plaines côtières, de basalte et de rochers perdus au bout du monde, populations frustes, comme une version BD des Sorcières de Salem ou de La Lettre écarlate
Bref, du froid, de la misère intellectuelle et de la méfiance. Et dans ce décor étrange, le lecteur, aux côtés du héros, bascule peu à peu dans un monde quil ne percevait pas, passant du froid rationalisme des Lumières à un temps où la magie est encore vive, cachée. Cest tout le charme de cet album, celui dun basculement progressif et dune conclusion temporaire intrigante, fantastique, très réussie. Le scénario est riche et bien construit, décrivant un lent cheminement vers un univers magique. Le trait est nerveux, très personnel, sensible aux ambiances, aux paysages, à une nature qui entoure, enveloppe, domine, écrase même lhomme, et le travail des couleurs, jouant des verts et des gris pour figurer ce monde à la fois fertile (terrain volcanique oblige) et désolé (du fait du climat), renforce cette impression
Les profils sont comme taillés à la serpe, les expressions des visages réduites à un minimum, quelques signes distinctifs, mais chaque personnage est bien différencié, a son caractère propre, comme dans une communauté où chacun se connaît. Il y a une sorte dalchimie singulière dans cet album, un truc qui fait quon « sy croit », quon a vraiment limpression de partager ce quotidien décalé quest le récit de Jacques, de révélations en révélations. Lambiance oscille entre Hitchcock et Tim Burton (celui de Sleepy Hollow et de la légende du cavalier sans tête, de la communauté hantée par des secrets honteux). Coup de cur absolu pour cette série singulière, originale, puissante
et à suivre impérativement.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 03/04/2007 ) Imprimer | | |