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Bande dessinée -> Science-fiction |
| Reinhard Kleist H. P. Lovecraft Les Rats dans les murs Akileos - Regard noir & blanc 2004 / 11.50 € - 75.33 ffr. / 80 pages ISBN : 2915168083 FORMAT : 22 x 29 cm Imprimer
Sil est un écrivain fantastique difficile à adapter, cest bien Howard Philip Lovecraft : son univers, tout en impressions fugaces et longues descriptions, suppose un malaise progressif face à une réalité inconcevable et terrifiante, malaise qui se transforme peu à peu en angoisse. Certes, il y a eu récemment quelques adaptations très réussies, comme la magnifique Ile des morts de Sorel et Mosdi (Vents dOuest, 1996), mais qui ne faisait que sinspirer de lunivers imaginé par lécrivain de Providence. Question de droits sans doute ? Il faut en tous les cas du talent autant que de limagination pour représenter cette mythologie délirante, fondée sur une cosmologie imaginaire (des «anciens dieux» qui, longtemps avant lHomme, auraient régné sur Terre et nattendraient quune conjonction favorable pour reconquérir leur antique royaume).
Mais du talent, Reinhard Kleist nen manque manifestement pas, et si lon peut regretter que le format choisi, de courts récits, ne mette pas toujours en valeur les ambiances lovecraftiennes (en cela, la série de Sorel et Mosdi lui est largement supérieure), il faut reconnaître que ladaptation en est tout de même remarquable. Le dessin sait en effet déstabiliser : avec de longs visages blêmes ou des figures bouffies, à la limite de la caricature, les héros ne sont manifestement pas taillés pour affronter le surnaturel et «linquiétante étrangeté» des nouvelles choisies. Le dessin fait dailleurs parfois penser à celui de Marc-Antoine Mathieu, père de Julius Acquefacques et dune série parmi les plus novatrices et réussies. Là aussi, labsence de couleurs, les jeux dombres et de blanc baignent cette bande dessinée dune atmosphère inquiétante. La difficulté majeure était aussi de figurer les créatures du mythe elle-même, ce que Lovecraft ne faisait que rarement (le sort des rares témoins dapparitions étant généralement la folie immédiate, lécrivain sen tirait par une pirouette) : fidèle à ses lectures, lauteur a adopté le parti pris du maître. Une sorte de nuage noir (Yog Sothot : les habitués reconnaîtront dans cette entité lun des piliers du panthéon lovecraftien), ou bien une nuée de rats, figurent plus quils ne matérialisent lindicible. La peur ne vient pas deux, mais réside dans la tension qui précède leur venue.
A lire la bande dessinée de Kleist, on se prend donc à rêver que les nouvelles et romans de Lovecraft soient adaptés de manière plus systématique si cest dans cette veine-là. Sans rendre totalement latmosphère des romans ce qui semble impossible, tant la suggestion des mots apparaît plus inquiétante que celle des images dessinées cet album en est un bel hommage et attire lattention sur un dessinateur peu connu en France, mais qui saura trouver son public.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 10/04/2004 ) Imprimer | | |
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