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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| James Sturm Rich Tommaso Black Star - La véritable histoire de Satchel Paige Delcourt 2009 / 12.90 € - 84.5 ffr. / 96 pages ISBN : 978-2-7560-1712-9 FORMAT : 16,7x25,7 cm Imprimer
Sous-titrée « La véritable histoire de Satchel Paige », cet album one-shot évoque lhistoire dun joueur mythique de baseball dans les Etats-Unis des années 30, Satchel Paige. Mythique du fait dun toucher de balle exceptionnel, comparable au seul Jo DiMaggio. Mythique également parce que noir, et sachant simposer, par son talent, à une société blanche raciste et ségrégationniste. Car Paige a un sens aigu du spectacle, et sait détourner son art pour en faire une arme contre les attitudes racistes de ses adversaires, comme du public. Il est alors un héros, pour toute la communauté noire. Son histoire est ici racontée par un métayer noir à son fils : dans cet Alabama où les descendants desclave sont encore traités comme tels, un match est organisé pour léquipe de baseball locale. Paige y est, en quelque sorte, un adversaire dhonneur. Spectateur, le père, lui-même ancien joueur de talent brisé par un accident, et traité avec mépris par ses patrons blancs, les Jennings, raconte sa vie, ses difficultés
et ce moment de grâce quest le match de base-ball où Paige, en quelques balles, remet à leur place les Jennings. Une histoire de sport, mais surtout un beau récit social qui va au-delà du conte sportif.
Au plan graphique, il sagit dun album remarquable, absolument séduisant, dans la tradition des cartoonists de grand style. Rich Tommaso fait penser au Seth très inspiré, celui de Wimbledon Green et de La Vie est belle malgré tout. Le style est épuré, une ligne claire qui va à lessentiel et se passe des détails superflus et décors inutiles. Lensemble est rythmé par un découpage net (notamment les matchs de baseball
), efficace, photographique plutôt que cinématographique. Les hommes semblent figés, comme dans une vieille photographie couleur sépia
une manière de figurer une société également figée dans ses préjugés racistes ? La mise en scène est sobre, alternant les exploits et les cabotinages de Paige, et la réalité de la vie du narrateur, âpre, rude. Cette tension apparaît dans la mise en couleur : le blanc, le noir et le vert olive figurent un monde passé, dont le présent même semble déjà dépassé. Techniquement, une réussite
et lhistoire qui va avec, une présentation subtile de lAmérique du Sud et des années 30, un monde hanté par Steinbeck et Dos Passos, où la ségrégation est la norme, et où les noirs demeurent, en dépit du XIIIe amendement, des esclaves en sursis. En quelques images, lalbum fait un tableau rude de cette période. Reste le baseball
et là, le lectorat français se heurte quand même à une culture exotique : on comprend certes le sens du jeu et de ses diverses phases, mais quant à en saisir lambiance, la subtilité des attitudes de Paige et son côté révolutionnaire
il nous manque ici, sur le vieux continent, une culture qui permettrait de goûter complètement le charme de ce magnifique album, envoûtant et hermétique à la fois.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 18/05/2009 ) Imprimer
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