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| Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
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Portrait de Dalí en frère mort | | | Edmond Baudoin Dalí par Baudoin
Dupuis Centre Pompidou 2012 / 22 € - 144.1 ffr. / 160 pages
ISBN : 9782800153278
FORMAT : 18x25 cm
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Dalí par Baudoin. Le titre associe le peintre mégalomane et médiatique avec l'humble dessinateur estimé par ses pairs. Le fou furieux, effrayé par la chair et cultivant les obsessions, et le paisible méditatif, amoureux de la vie sous toutes ses formes. Un grand écart.
Pourtant, les deux artistes ne sont pas sans point commun. Le plaisir à parler de soi, d'abord. Que ce soit avec prétention ou dans l'introspection, l'un et l'autre ont fondé leur uvre sur l'autobiographie. Mais ils partagent aussi une volonté de transcender les genres, de bouleverser leur sillon pour se coller à l'inattendu, rebondir où on ne les attendait pas. Dalí a apporté l'art moderne à la publicité, Baudoin la littérature à la bande dessinée.
Dans cette première alliance entre le Centre Pompidou et les éditions Dupuis, on peut se demander qui gagne le plus d'exposition : le peintre catalan, célébré en ce moment à Beaubourg et à la une de tous les magazines ? Ou Baudoin, premier bédéaste édité par le prestigieux centre d'art moderne ? Du moins le dessinateur niçois revendique-t-il une position de second rang : il semble abandonner son autoportrait récurrent le temps du livre, et se consacre essentiellement à la biographie de Dalí, de sa naissance à sa mort. C'est au lecteur, entre les lignes, d'aller chercher un témoignage sur Baudoin.
On retrouve donc les grandes étapes de la vie du grand homme : l'enfance, où se construisent les phantasmes et les rêves de grandeur ; le temps des groupes, avec Buñuel et Garcia Lorca, puis Paris et les surréalistes ; la rencontre avec Gala, et l'ascension bourgeoise ; la conquête de l'Amérique, les grandes théories, le triomphe ; et enfin la vieillesse et la mort. Sa fascination pour les totalitarismes n'est pas laissée de côté, pas plus que les échecs esthétiques. Au final, « la bourgeoisie digère tout. »
Même quand il est critique, le dessinateur semble entrer en communion avec le peintre. Les mélanges graphiques sont superbes. Baudoin redessine, développe, reconstruit les grandes uvres de Dalí. Avec une pincée de couleurs, mais surtout en noir et blanc, il reprend la dentellière, l'Angélus, les béquilles et les montres molles pour les recomposer à sa manière. C'est le retour de la méthode paranoïaque-critique. Laisser consciemment resurgir l'inconscient. Mêler les toiles et les anecdotes dans des collages réels ou feints, pour apposer ensuite quelque interprétation intégrée à luvre. La bande dessinée semble on ne peut mieux adaptée à cet exercice dalinien, et on regrette que ce grand fou génial ne s'y soit jamais frotté.
Au final, on est surpris de constater combien les dessins de Dalí respirent, réinventés par le trait charbonneux du niçois. Débarrassées de la violence surréaliste, des références pompiers, les toiles semblent intégrer la douceur de Baudoin. Nous rendre la folie, le génie et la démesure plus accessible, tenus à bout de bras.
En se posant comme passeur, Baudoin fait plus que ça : il crée une terre nouvelle, à mi-chemin entre la chaleur et le désespoir.
Clément Lemoine
( Mis en ligne le 17/12/2012 )
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