|
Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Giacomo Patri Col blanc La Découverte - Zones 2007 / 16.50 € - 108.08 ffr. / 135 pages ISBN : 978-2-35522-006-7 FORMAT : 14,5x20,5 cm Imprimer
Le nouveau label Zones des éditions de La Découverte réédite aujourdhui ce petit livre oublié, dessiné en 1940 par Giacomo Patri. Linitiative éditoriale est plus que louable puisque la lecture de Col Blanc garde aujourdhui toute sa force dévocation et sa puissance graphique. Patri pratique la linogravure, technique cousine de la plus traditionnelle gravure sur bois, et cest ici près de 130 dessins qui composent un récit entièrement muet et en partie autobiographique.
Lhistoire se déroule lors de la Crise de 1929 aux Etats-Unis. Un graphiste travaille pour la publicité et passe dun contrat à lautre sans trop de difficultés, prêt à gravir tous les échelons de la profession. Autour de lui, la crise commence à faire ses premiers ravages. Lui nen a cure et reste pour linstant simple observateur, coulant des jours tranquilles avec sa petite famille, envisageant lavenir avec sérénité. Mais le rouleau compresseur ne fait pas de détours et lhomme est du jour au lendemain mis à la porte. Les difficultés senchaînent alors pour toute la famille, de la recherche du moindre petit travail aux impossibles fins de mois en passant par une grossesse qui tombe mal
La suite de ce docu-fiction verra le rapprochement de plus en plus net entre le graphiste et les syndicats, tous ensemble prêts à se serrer les coudes et mener de futures batailles. Tout le récit est régulièrement entrecoupé de visions oniriques, symbolisme appuyé montrant le personnage principal face à ses espoirs, ses peurs et ses doutes.
De son enfance en Italie, Patri a gardé une certaine approche toute européenne qui marque son oeuvre. On pense ici évidemment aux gravures de Frans Maserrel, mais aussi à lExpressionnisme du cinéma allemand. Patri compose ses pages avec une grande rigueur, jouant des formes oppressantes et des forts contrastes de lumière. Les perspectives sont fuyantes, les ouvertures de porte se chevauchent à linfini, et les décors restent toujours plongés dans une obscurité menaçante. Par sa finition rustre et limitant les finesses, la linogravure saccompagne inévitablement dun trait de goudron rendant les regards noirs et les volumes épais doù les silhouettes nocturnes peinent à sextirper. Les personnages trempés dans lencre semblent aussi comme toujours trop grands, plaqués au décor environnant qui naurait plus rien daccueillant, effrayant paysage sans horizon, contexte étouffant et claustrophobe comme dans un cauchemar dont on ne pourrait se réveiller. Le caractère entièrement muet du livre achève de donner au récit cette sourde violence, emportant hommes, femmes, et enfants dans le même tourbillon infernal, tous impuissants face à leffondrement dune économie aussi imposante que fragile.
Certes la démonstration ne laisse pas beaucoup de place aux nuances, mais le récit est suffisamment bien mené pour que le livre puisse développer avec une sincère implication tous ses atours.
Une belle curiosité qui vaut autant pour son intérêt historique, que pour son esthétique marquante.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 13/11/2007 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Les Rois vagabonds de James Vance , Dan Burr Jacob le Cafard de Will Eisner | | |
|
|
|
|