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Bande dessinée  ->  Les grands classiques  
 

Naissance d’un héros
Emile Bravo   Le Journal d’un ingénu - Une aventure de Spirou et Fantasio par… (n°4)
Dupuis 2008 /  13 € - 85.15 ffr. / 72 pages
ISBN : 978-2-8001-4052-0
FORMAT : 24x31 cm
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Si sur le papier l’idée était réjouissante, dans les faits - dans les planches - le résultat était nettement moins convaincant, et l’on attendait plus grand chose de cette série parallèle «Une aventure de Spirou et Fantasio par…». Car après le tout juste sympathique Les Géants pétrifiés, le longuet Les Marais du temps et le poussif Tombeau des Champignac, force était de constater que le niveau d’ensemble ne relevait que laborieusement celui du cycle officiel, déjà malheureusement bien plombé par la cure de modernité hystérique et lourdaude pratiquée par le tandem Morvan & Munuera.

Ce Journal d’un ingénu est donc plus qu’une heureuse surprise, puisque non seulement il redonne un coup de fouet salutaire au petit groom, mais se place aussi comme un superbe album de bande dessinée, tout simplement, l’un de ces jalons qui fait date et vers lequel on pourra encore et toujours revenir avec le même enthousiasme.

Là où les auteurs précédents hésitaient fébrilement à s’emparer du personnage de Spirou et ne parvenaient à jeter qu’une timide relecture remplie d’hommages pesants et d’initiatives scénaristiques mortes nées, Émile Bravo fonce dans le tas, ne craint pas la réécriture ni les fans, et se jette dans le mythe avec une incroyable maîtrise et une constante qualité. L’homme n’est pas né de la dernière planche et ses aventures de Jules témoignaient déjà d’un grand talent de scénariste, d’une belle virtuosité graphique et surtout d’un goût raffiné pour une littérature jeunesse qui ne prend personne (de 7 à 77 ans) pour un imbécile. Et c’est cette même sensation de lecture d’enfance qui marque à jamais que l’on éprouve en lisant (dévorant !) ce Journal d’un ingénu, comme si l’on découvrait dans une bibliothèque remplie de classiques, par miracle, un album inconnu mais tout à fait à sa place dans ces rayons, une œuvre intelligente et divertissante, maligne et jolie, inépuisable et stimulante.

Dès la couverture, quelque chose se trame. On y voit un Spirou rajeuni, figé – pas encore dans l’action – comme abasourdi et tourneboulé devant son grand drapeau belge. Des couleurs nationales grignotées de part et d’autre par des croix gammées nazies à gauche, des faucilles et des marteaux à droite. La typo utilisée pour le titre convoque les toutes premières aventures de Spirou, lorsque celui-ci sortait littéralement d’une toile dessinée par Rob-Vel. La couverture pose donc le ton : l’Histoire rencontre l’histoire, la bande dessinée croise la réalité. Émile Bravo revient ainsi aux sources du personnage, et imagine ce qui serait la toute première aventure du petit groom, à Bruxelles, en 1939. Ce faisant, et pour ne pas faire les choses à moitié, Bravo revient sur les grandes questions qui ont sans cesse gravité autour de ces personnages : quid de la rencontre entre Spirou et Fantasio ? Pourquoi Spirou ne quitte jamais son uniforme de groom ? Pourquoi est-il devenu un aventurier ? (1)... Dans un scénario méticuleusement ficelé, Bravo échafaude un brillant récit qui viendra donner un tas d'éclaircissements, et fait peu à peu de cet album, en filigrane, un documentaire montrant la naissance d’un héros de bande dessinée.

Au-delà d’une solide, et inédite, implantation dans un contexte historique précis, l’album multiplie ainsi les références à l’autre grand rival reporter bruxellois du neuvième art, Tintin. Spirou n’est qu’un enfant alors que Tintin est déjà une star mondiale, une icône. C’est en voulant lui ressembler (il arbore un temps le même pantalon de golfeur…), puis en s’en démarquant notablement, que Spirou devient, dans cet album, véritablement lui-même. Refusant dans les dernières pages les aventures trop politiques, s’affirmant peu à peu, grandissant véritablement. L’ouvrage voit ainsi la progressive transformation d’un Spirou naïf et innocent, jeune poulbot belge qui préfère jouer avec les enfants que se mesurer aux affaires des grandes personnes, en un personnage plus confiant, devenu responsable, un héros à part entière. Un rite de passage en quelque sorte, pour un personnage – et toute une série – qui déplace finalement son centre de gravité de la réalité historique vers la fantaisie pure.

Comme une aventure originelle, l’album est ici débarrassé de ce qui fera paradoxalement sa renommée. Pas de Comte de Champignac ici, ni de Zorglub, de Marsupilami ou de Turbotraction. Situé dans l’avant-guerre, quasiment en huis clos dans un hôtel de vaudeville, le récit est ainsi plongé dans une sorte d’austérité continuelle, habilement rehaussé d’une fantaisie verbale constante et de scènes enjouées. Ainsi déshabillé de ses habituels accessoires, l’esprit de la série est comme en train de se construire, posant d’une planche à l’autre ce qui fera plus tard tout son charme. L’histoire se met en marche. Et si les lecteurs expérimentés repèreront multiples références et citations (le personnage d’Entresol faisait déjà partie des planches de Rob-Vel, on retrouve le petit Maurice – Morris - dans les planches de Franquin, Fantasio se déguise en vieille dame comme il le fera dans une aventure ultérieure, etc.), le promeneur de passage sera lui aussi totalement embarqué dans cette aventure aux allures de classique d’autrefois.

Pour parachever le chef-d’œuvre, Delphine Chedru applique sous le trait de Bravo une palette de couleurs sépia, ambiance joliment rétro en parfaite adéquation avec le récit. Spirou a soixante-dix ans cette année. L’album sort le jour J. On ne pouvait pas rêver plus beau cadeau pour ce personnage. Et pour la bande dessinée.

(1) Et les lecteurs du numéro spécial anniversaire du magazine Spirou apprendront en bonus, toujours sous le pinceau inquisiteur de Bravo, d’où vient Spip et pourquoi Spirou s'appelle ainsi.


Alexis Laballery
( Mis en ligne le 07/05/2008 )
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