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| Bande dessinée -> Revues, essais & documents |
| Sébastien Carletti Jean-Marc Lainé Nos Années Strange - 1970/1996
Flammarion 2011 / 25 € - 163.75 ffr. / 175 pages
ISBN : 978-2-0812-5470-1
FORMAT : 23,4x26,5 cm
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On place sa fierté où lon veut. Les lecteurs qui aujourdhui découvrent et dévorent Nos années Strange avec émotion sont ceux qui, avant les autres, comprenaient le potentiel de cette littérature. Alors quaujourdhui cela nétonne personne de voir Télérama ou Libération donner douze étoiles à Iron Man (à la rigueur) et Thor (là, il faut le vouloir), il fut un temps où poser ne serait-ce quun bout de nez sur un Strange pouvait vous faire passer pour un sombre dégénéré, un gamin complètement abruti.
Cet ouvrage, pour les fans par des fans, surfe sur une tendance très populaire du moment, celle de la nostalgie un peu bêta qui réveille le gamin dautrefois. Ce nouveau genre culturel est capable du pire (ressusciter les « tubes », toujours aussi creux des années 80 ou remettre Dorothée sur scène), comme du meilleur, et indéniablement, ce chouette livre fait partie de la seconde catégorie. Dune part parce quil remplit dabord parfaitement sa mission ; à savoir en mettre plein les mirettes et ranimer, à chaque page tournée, un nouveau souvenir (ah ! la mort du Phénix ! Oh le camion des Guerres Secrètes !!). Dautre part parce quau-delà de ces visuels en pagaille, les textes accompagnent avec soin un propos cohérent : linvasion des super héros de 1970 à 1993 sur le marché français, des bandes dessinées aux jouets en passant par la télévision. Certes, on nest pas là dans lessai universitaire, on nen demande pas tant, mais les auteurs remontent les faits avec sérieux et méthode, noubliant rien, en donnant parfois trop (le chapitre sur les mangas ou les séries télé type Manimal).
On ouvre donc Nos années Strange comme lon rentrerait dans une boutique de vieux jouets. Au détour dun regard, un objet, une image saute aux yeux et agrippe la mémoire. Nous revoilà redevenir enfant, concentré sur les exploits de nos personnages préférés et rêvant de pouvoir grimper aux murs comme lAraignée ou devenir tout bleu acier comme Colossus. Un monde que lon croyait entièrement aux mains dun homme souriant et barbu, comme un dieu omnipotent, Stan Lee. Et au détour de quelques souvenirs dépoussiérés, on en apprendra un peu plus sur les choix éditoriaux de lépoque qui pouvaient sembler bien obscurs aux enfants dune dizaine dannées : Lug en tête bien sûr, mais aussi Artema ou Sage, le livre fait le tour de ces éditeurs qui avaient fait des super héros leur fonds de commerce. Cest aussi loccasion de refaire le point sur tous ces héros qui se partageaient les pages de Strange, mais aussi de Nova, Spidey, Titans
Lensemble se dévore comme une madeleine, un cheesecake de Proust. Les noms se bousculent, certains ont été oubliés avec les années, mais leur simple évocation donne immédiatement lenvie de se replonger dans leurs planches : Carmine Infantino, Barry Windsor Smith, Bill Mantlo
On passera donc sur une maquette un peu désordonnée, cela va finalement avec lesprit du bouquin (coffre aux trésors plein à craquer), et ses légendes à moitié drôles. Lintérêt de ce livre cest quau-delà de son iconographie riche et de son tour dhorizon complet, il en vient aujourdhui comme à excuser lenfant que nous étions et qui subissait le regard coupable des plus grands ou des franco-belges (ceux abonnés à Spirou Magazine) et qui ne comprenaient pas comment lon pouvait passer tant de temps à lire ces « inepties ». Vingt ans plus tard, cest pour beaucoup damateurs de bandes dessinées la même chanson. Comme un air qui vous trotte dans la tête à tout jamais.
Alexis Laballery
( Mis en ligne le 25/10/2011 )
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