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B.A.-BA de la BD
Thierry Groensteen   La Bande dessinée, mode d’emploi
Les Impressions nouvelles 2008 /  22 € - 144.1 ffr. / 256 pages
ISBN : 9782874490415
FORMAT : 17x24 cm
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Dans le désert relatif des publications théoriques, des textes critiques et des essais autour de la bande dessinée, le nouvel ouvrage de Thierry Groensteen se pose comme une nouvelle référence destinée à tous les publics, bédéphiles avertis ou non, intéressés par ce qu’il se trame derrière ces cases et désireux de comprendre les mécanismes mis en place par le neuvième art afin de mieux l’appréhender. Car, si cela peut paraître évident pour beaucoup, il y a des règles à respecter pour lire – et de fait apprécier- une bande dessinée. En exposant simplement ces différentes règles, Groensteen balaye ainsi la plupart des questions que peut se poser le lecteur novice, dans une construction parfois déstabilisante (la fameuse définition – impossible – de la bande dessinée n’étant abordée qu’au quatrième chapitre), refusant un plan trop didactique pour filer directement vers les points les plus importants.

Le livre, très accessible, est dans ses idées abordées, dans la continuité de deux précédents opus de son auteur, Système de la bande dessinée et Un objet culturel non identifié. Du premier, Groensteen a gardé quelques grands principes fondateurs là-bas énoncés, la « solidarité iconique » ou le « tressage » par exemple, mais cette fois allégé de tout discours sémiologique qui pouvait faire fuir les moins motivés. Du second, Groensteen a conservé ce même moteur qui le pousse à écrire sur la bande dessinée : à savoir une défense et un amour de cette forme d’expression, contre les forts vents contraires et les idées reçues. L’ouvrage revient ainsi, par étapes, sur les moyens dont dispose les auteurs pour mener à bien leur travail, et montre de quelle façon le lecteur, parfois dédaigneux ou simplement frileux, doit lire une bande dessinée, en oubliant une fois pour toutes cette idée qu’il s’agirait là d’un moyen d’expression diminué, boiteux, à cheval entre littérature et peinture. Le livre parvient définitivement à son but, c’est-à-dire déjouer les critiques féroces, non pas en cherchant des contre-exemples (Maus et son prix Pulitzer…) mais bel et bien en montrant que ces critiques-ci sont absurdes et vides de sens, et n’ont donc pas lieu d’être.

Comme son titre l’indique, La Bande dessinée, mode d’emploi se présente ainsi comme un manuel récapitulatif, une synthèse des différents aspects esthétiques mis en place par la bande dessinée, des registres visités (les grands genres, de la bande dessinée d’humour au fantastique en passant par le porno), et la façon dont on doit lire un album. Chaque partie, composée de courts chapitres, est chapeautée de questions énoncées simplement, résumant la réflexion qui va suivre. Ainsi : « Les pages de gauche et de droite se répondent-elles ? », « Peut-on changer de style à l’intérieur d’un récit ? » ou encore « Peut-on définir ce qui fait une bonne bande dessinée ? ». On le voit, ainsi annoncés, ces exposés jouent la carte d’une certaine pédagogie accessible à tous, prenant par la main les plus réticents en leur montrant que les questions qui pouvaient sembler idiotes ou futiles (« Du dessin et du scénario, lequel est le plus important ?» ) méritent au contraire d’être posées et sont même le terreau indispensable à toute bonne réflexion sur la bande dessinée. Car c’est à partir de ces quelques interrogations basiques que Thierry Groensteen construit son étude, échappant évidemment très vite aux définitions simplistes pour développer quelques notions clés, dégager les spécificités du media, et aligner plusieurs analyses pertinentes.

Et puisque le but est avant tout ici d’être le plus clair et « concret » possible, Groensteen s’appuie constamment sur des exemples, chaque notion abordée étant aussitôt mise en relation avec une planche de bande dessinée, reproduite ici en entier et en couleurs. Pour montrer la diversité et la richesse du neuvième art, l’auteur va chercher ces exemples dans tous les univers mis à sa disposition. On passe ainsi des précurseurs (Winsor McCay, George Herriman) à la nouvelle garde (Christophe Blain, Alan Moore), des grands classiques imparables (Franquin, Gotlib…) aux oeuvres plus méconnues du grand public (Baudoin, Mattotti), de l’humour absurde (Goossens) à la poésie fantastique (Dave Mckean). Chacun y trouvera ainsi son compte et le voyage à travers ces différents genres et ces nombreuses époques marquent une fois de plus, s’il en était besoin, la diversité de la bande dessinée et montrent au grand jour des qualités que certains ne pensaient sans doute pas trouver dans des « lectures de jeunesse » (cf. ainsi l’analyse d’une séquence de Johan et Pirlouit, belle comme du John Ford !). À l’inverse, en citant Uderzo, Sienkiewicz, Peyo ou Geluck, l’ouvrage échappe aussi aux dangereuses sphères d’un snobisme risible qui se love depuis quelque temps dans des publications persuadées que la bande dessinée est née avec Persepolis. Ici, Thierry Groensteen se pose en observateur méticuleux, et si, inévitablement, les goûts subjectifs sont à l’origine de certains choix présentés, les analyses faites le sont dans un cadre rigoureux et impartial.
L’auteur ne tombe pas non plus dans l’admiration naïve qui rendrait aveugle et forcené tout jugement de valeur. Ici, il remet gentiment en place les pin-up de Manara tandis que là, parlant de l’humour potache dans les bandes dessinées, il s’interroge non sans ironie : « Peut-être qu’à force d’avoir longtemps été taxée d’infantilisme et de stupidité (…) la bande dessinée a décidé qu’elle pouvait devenir infantile et stupide pour de bon. » Dans une dernière partie, Thierry Groensteen remet finalement en écho enfance et bande dessinée, jouant là dans la cour même des détracteurs et des ignorants, pour finalement montrer en quoi ces cases et ces planches provoquent chez son lecteur « la liberté d’imaginer et de s’émerveiller».

Si le livre s’adresse en priorité au lecteur novice qui cherche à affirmer sa culture et creuser un peu plus loin son approche de la bande dessinée, les « experts », comme l’écrit Groensteen, ne pourront pas non plus passer à côté de cet ouvrage, d’une belle évidence et qui offre un regard panoramique sur cet art avec clarté et précision. Le livre fourmille de plus de pistes de lectures et d’analyses (comme par exemple une étude de la couleur – élément graphique trop souvent mis de côté - chez Chris Ware) qui ne peuvent que donner envie de se replonger dans de nouvelles découvertes de bulles et d’images, cherchant peut-être à voir autrement, plus profondément, mais avec toujours la même fascination.


Alexis Laballery
( Mis en ligne le 21/01/2008 )
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