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Bande dessinée -> Adaptation |
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Celui qui dessinait les ténèbres | | | Horacio Lalia Les Cauchemars de Lovecraft - L’Appel de Cthulhu et autres récits de terreur Glénat 2014 / 30 € - 196.5 ffr. / 248 pages ISBN : 9782344001080 FORMAT : 21,5x29,3 cm Imprimer
Il y a un paradoxe Lovecraft : toute son uvre appelle limage, lui hurle de venir à ses côtés, ordonne à lillustration de lillustrer. Et une fois que le visuel atteint le texte, tout se casse la figure, le couple qui semblait idéal se repousse finalement violemment, laissant le texte seul vainqueur et limage un peu piteuse. Combien dadaptations ratées de Lovecraft, que ce soit en bandes dessinées, au cinéma (peut-être le moins gâté de tous), et plus récemment dans les jeux vidéo ? Cest que évidemment mettre en images lindicible et autres architectures aux géométries impossibles et inconnues du monde terrestre peut vite devenir improbable pour le plus chevronné des illustrateurs. Une fois mis en images, Lovecraft ne tient plus, lévoquer revient à le révoquer.
Quelques rares auteurs ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Il y a eu récemment Erik Kriek (LInvisible) qui a habilement contourné laspect le plus connu de Lovecraft (lhorreur) pour en mettre en évidence un autre (la littérature populaire, le pulp). Et puis, évidemment, il y a Alberto Breccia qui semble avoir donné aux textes de Lovecraft sa plus belle incarnation sur papier. Son dessin mélange de textures, de formes abstraites et dombres vaporeuses pouvant se rapprocher le plus de ce que Lovecraft décrivait tout en ne prenant pas le risque de mettre trop à plat ces visions impossibles.
Un autre argentin se mesure donc à luvre de lécrivain de Providence : Horacio Lalia a illustré Lovecraft de 1975 à 1988 et ce dernier serait à mi-chemin des deux précédents : il y a dun côté le dessin très EC Comics, façon Tales from the Crypt et de lautre une fidélité au texte original et une tentative de lillustrer sans trop le trahir. Il y a aussi, de façon plus timide et plus éparse que chez Breccia, des tentatives dillustrations plus abstraites des rêves noirs de Lovecraft : le dessin perd, le temps de quelques vignettes, ses contours précis pour se fondre dans des maelstroms dombres, de taches et déclaboussures.
Surtout, Horacio Lalia maîtrise parfaitement le noir et blanc et ses planches détaillées et précises lartiste nest pas fainéant créent de parfaites ambiances gothiques et horrifiques du plus bel effet. Tout est très détaillé, très précis : ainsi, si le texte très fourni peut paraître parfois rébarbatif aux yeux des lecteurs peu habitués au style de Lovecraft, les dessins de Lalia sont au diapason. Il en découle une uvre riche, fournie et passionnante qui invite le lecteur à prendre son temps, et à se lover dans ses pages le temps dune histoire qui fait peur.
Certes, tout nest pas idéal dans ces pages, mais Horacio Lalia a plusieurs qualités et la première est son amour évident pour luvre de Lovecraft : lhomme reste fidèle aux textes, quitte parfois à paraître un peu bavard. Si quelques grands classiques nont pas été adaptés par Lalia (« Les Montagnes hallucinées » ou « Le Cauchemar dInnsmouth », par exemple), dautres récits clés sont parfaitement retranscrits : « La Couleur tombée du ciel » par exemple est un petit chef-duvre et « Les Rats dans les murs », autre référence, sen sort plutôt bien. Cest aussi dans les textes moins connus que Lalia parvient à imprimer son style et à trouver un bon équilibre entre le texte de Lovecraft et son propre style (voir « La Tourbière hantée » ou « Celui qui hantait les ténèbres »).
A dautres moments, lillustration montre clairement ses limites et limpossibilité de se frotter au texte : le twist final de « Je suis dailleurs » est très vite trahi, les tableaux du « Modèle de Pickman » ne sont finalement pas si effrayants et Dagon, le Grand Ancien mythique, ressemble à un cousin de Godzilla. Le lecteur en aura vu dautres et ce qui fonctionne à lécrit, grâce à lécriture romanesque et ambitieuse (pour ne pas dire génialement pompeuse) de Lovecraft, ne tient pas une fois mis sur papier. Mais au-delà de ces échecs inévitables, le travail de Lalia est assez remarquable de constance, de prestance et dévocations effrayantes.
Albin Michel avait édité en trois volumes ces cauchemars sur papier, et cest aujourdhui Glénat qui rassemble la totalité de ses pages, soit 18 nouvelles illustrées, dans cette belle intégrale, une future bible et donc une nouvelle référence pour les amateurs, toujours nombreux, de lunivers de Lovecraft.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 16/12/2014 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:L’Invisible de Erik Kriek HP Lovecraft, le Dieu silencieux de Didier Hendrickx Lovecraft de Enrique Breccia , Hans Rodionoff , Keith Giffen | | |
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