|
Bande dessinée -> Humour |
| Florence Cestac Pétillon Super catho Dargaud 2004 / 12.60 € - 82.53 ffr. / 48 pages ISBN : 2-205-05477-5 FORMAT : 24 x 32 cm Imprimer
Voici une histoire qui ravira à la fois les anticléricaux militants et les nostalgiques du Petit Nicolas. Florence Cestac, aux crayons, et René Pétillon, au scénario, signent en effet un album hilarant qui évoque le duo Goscinny/Sempé où le premier aurait bouffé un peu plus de curé, et le second, préféré les personnages à gros nez, sortes de Bidochon catholiques de province, aux traits fins de ses petits bonshommes parisiens.
Lhistoire relate une tranche de vie dune famille pieuse, dans la Bretagne de la fin des années 1950, vue par les lorgnettes du fils unique. Le père place des assurances en deux-chevaux, et regrette vivement les velléités modernisatrices de lEglise de Vatican II, qui prend dabsurdes distances vis-à-vis du culte des saints, ou envisage scandaleusement dabandonner la soutane. La mère est en retrait et vaque aux occupations ménagères. Lhorizon du jeune garçon est limité à lécole privée dans laquelle ses parents lont inscrit, et où des prêtres encore ensoutanés lui enseignent les rudiments du savoir et de la foi.
Les épisodes scolaires rendent merveilleusement ce quotidien qui relève, aujourdhui, dun passé révolu : la classe de garçons, la bande de copains caractérisés par leurs seuls physiques (le « catcheur » y occupe une place à part), les bêtises viriles qui soudent le groupe (les pétards dans les bouses de vache), etc. Les décors stylisés et soignés évoquent bien la modernité de ces alentours de 1960 : le transistor qui passe Bambino, le goût pour la bagnole ah ! la dernière Panhard qui monte à cent dix comme un rien
Surtout, tous les aspects classiques de la dénonciation anticléricale y passent, avec bonheur. Il y a le spectre du Dieu punisseur agité par les prêtres («Dieu voit tout ! Dieu entend tout ! Dieu vous juge !» hurle frère Léon aux élèves terrorisés). Il y a les stars du monde catholique de lépoque : le padre Pio («cest un stigmatisé qui a aussi des apparitions») ou Tintin («Toi y en a bon Blanc !
Toi y en a accepter être grand chef des Babaorom
»). Il y a la kermesse votive de Lourdes, où ses parents emmènent le jeune héros («le vrai miracle, cest que jai pas chopé une crève !»), avant de lemmener à Lisieux. Il y a laumônier pédophile, enfin, qui fait écouter nuitamment à ses ouailles La Petite Musique de nuit de Mozart
Tout cela est très joyeux, et nexclut pas une vraie tendresse celle qui émane du dangereux « catcheur », lorsquil offre au jeune héros, son copain, une épée en bois quil a fabriquée lui-même ; celle qui naît des séjours organisés par la « colo » catholique, où lon découvre Spirou, Gil Jourdan et les veillées au coin du feu ; celle quinspire aussi la jolie cousine du petit garçon, un peu plus âgée que lui.
Cest dans cette atmosphère que Florence Cestac et René Pétillon évoquent les «problèmes avec la religion» du père du héros non pas quil sécarte du chemin de la foi, mais plutôt quil juge que lEglise sabâtardit. Ne refuse-t-elle pas de reconnaître les apparitions de la Vierge qui ont lieu en ce moment même à Saint-Guilluc, à quelques kilomètres de chez eux ? Heureusement, un pape belge se lève dans ce siècle émollient : Benoît XVIII, qui apparaît vite au père du héros comme la voie du salut. Une voie brève, dailleurs, puisque ce nouveau pape annonce la fin du monde pour le 25 décembre ! Et voilà le petit garçon balloté absurdement au gré des vagues traditionnalistes, sans bien en percevoir tous les enjeux. Une jolie astuce narrative, qui permet de décaler le discours anticlérical par un regard faussement naïf, qui ne peut que réjouir le lecteur, et lattendrir tout à la fois.
Sylvain Venayre ( Mis en ligne le 11/02/2004 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:L'Enquête corse de Pétillon | | |
|
|
|
|