| Blake Nelson Paranoid Park Le Livre de Poche - Jeunesse 2010 / 5.50 € - 36.03 ffr. / 189 pages ISBN : 978-2-01-322722-3 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication française en septembre 2007 (Hachette Littératures)
Traduction de Daniel Bismuth Imprimer
Des parents divorcés et un confort pavillonnaire, fait dun ennui tout suburbain : le narrateur est un ado lambda, comme des millions sur terre, puceau encore indéfini quant à ses penchants, flirtant de-ci de-là sans trouver aux filles une réelle substance ; il préfère traîner avec ses potes du bahut et faire du skate. Mais il reste un petit bourgeois, un fils à papa juste désorienté par le divorce. Plus loin, dans les quartiers moins cossus de Portland, dautres skateurs, plus racailles, sautent, roulent et virevoltent sur les tremplins et les tubes de Paranoid Park : le ground zero des loubards à planches
Alors un soir, profitant de labsence du copain avec qui il avait prévu dy traîner, il se laisse tenter par lexploration interdite, sympathise à Paranoid Park avec Scratch et file avec lui le long des voies ferrées, passager clandestin sur un train de marchandises : cette escapade signe son propre dévoiement. Car laccident surgit : laltercation avec un veilleur de nuit conduit à la mort de ce dernier. Meurtre ? Accident ? Scratch disparaît dans la nuit
et notre anti-héros dentamer son errance : «Javais foiré. Cétait ça le fond de laffaire. Javais foiré ma vie entière. Un seul faux pas et javais anéanti toutes mes chances de mener une vie normale. Tout le temps et tous les efforts quon avait pu me consacrer. Mes professeurs, mes parents, la dame qui mavait appris à nager. Tout ce que jétais, tout ce que jaurais pu être, je lavais bousillé.»
Se cacher chez soi, se forcer au silence devant la famille et les amis, tout en surveillant les infos locales, se forger un alibi, une histoire, maquiller la vérité et attendre que ça passe : mais la police enquête et la culpabilité monte : «Alors que jétais étendu là dans le noir, une révélation mest venue : jétais quelquun de mauvais.»
Cest sans doute la phrase clé du roman de Blake Nelson, adapté par Gus Van Sant (adaptation incontournable pour le cinéaste du désarroi adolescent) : Paranoid Park est cette fable urbaine et morale, prenant acte de la stratification géographique et sociale dune Amérique balkanisée. En sortant du «droit» chemin, le narrateur commet la faute, le pêché. Doù un certain soupçon sur lécriture de Nelson dont le moralisme sous-jacent agace un peu. Le roman, sous la forme épistolaire (le jeune narrateur écrit à une inconnue dont lidentité nest révélée quen toute fin du roman), est comme le chemin de pénitence du jeune criminel (mais est-il seulement coupable, en fait ?), sa façon d'atteindre une sorte de rédemption. Pourquoi pas... mais au final, vite lu, ce roman ne transporte guère.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 30/06/2010 ) Imprimer | | |