| David Kushner Les Maîtres du jeu video Ecole des loisirs - Médium Documents 2010 / 14.80 € - 96.94 ffr. / 363 pages ISBN : 978-2-211-20019-6 FORMAT : 13,3cm x 21cm Imprimer
Dans la très bonne collection ''Médium Documents'' de lEcole des loisirs, un récit tout à fait passionnant - paru en 2003 à New York : l'histoire de deux des grands inventeurs de jeux de tir subjectif (FPS) à la fin des années 1980 : Commander Keen, Wolfenstein 3D, puis Doom et Quake.
Enfants de lAmérique des classes moyennes, John Romero (né en 1967) et John Carmack (né en 1970) ne se ressemblent guère, même sils ont de nombreux points communs : ils appartiennent à la même génération qui découvre à la fois les jeux de rôle (Donjons et dragons), les jeux vidéos et linformatique via Apple. Lun et lautre sont enfants de parents divorcés, mais John Romero est rétif à lunivers scolaire, à la différence de John Carmack. Romero rêve de devenir riche - très -, Carmack cherche sans cesse à surpasser les difficultés techniques de la programmation. Leurs centres dintérêt et leurs talents sont complémentaires : Carmack est essentiellement un concepteur, capable de construire des logiciels spectaculaires, John Romero est avant tout un «gamer», un joueur, pour qui lessentiel se trouve dans la fantaisie, lexplosion du graphisme. Toutefois - et cest un des secrets de leur réussite -, chacun est capable de comprendre le terrain de prédilection de lautre.
A lire leur histoire, on retrouve aussi les débuts de linformatique domestique quand Steves Job et Stephen Woszniak révolutionnaient le monde de lordinateur. Dans un premier temps, Carmack et Romero vont dailleurs créer pour Apple avant de se tourner vers les PC. Non contents danticiper sur les goût et les envies de leur génération, ils savent aussi faire plier le marché et les entrepreneurs en imposant leurs conditions de vente et de distribution. Ils vont non pas détrôner les consoles de jeu, dominantes à lépoque, mais montrer que lordinateur peut être un support aussi intéressant ; ils vont enfin être les pionniers dans le domaine du jeu en réseau.
Leur univers est en marge dune certaine façon, un univers dadolescence perpétuelle : ils travaillent nuit et jour face à leur écran, entourés de cartons de pizza et de canettes de Coca cola, bercés (si lon peut dire !!!) par la musique quils aiment (Heavy Metal), investissant leurs gains colossaux dans des Ferrari puissantes, créant des univers délirants, parfaitement indifférents au politiquement correct
Ce sont les Peter Pan de la fin du XXe siècle
Toutefois, ils se révèlent également des hommes daffaires plutôt bons (surtout John Carmack), ils montent leur entreprise de création de jeux, Id Software, et deviennent milliardaires : faire de sa passion un métier peut rapporter gros ! Ils innovent dans le domaine du FPS, avec dabord Wolfenstein 3D, mais surtout Doom (1993), révolutionnant absolument lunivers et le décor du jeu informatique. La violence revendiquée de leurs jeux, les décors gore, suscitent dailleurs une polémique dans une Amérique traumatisée par le massacre de Columbine.
Cette success story se délite progressivement
Leur amitié ne résiste pas à la différence de tempéraments, à une gestion plus ou moins prudente, à des divergences profondes sur les jeux à inventer. John Romero apparaît comme le perdant avec léchec retentissant de son jeu Daïkatana ; John Carmack, lui, tient mieux la route en inventant Quake (1996), en perfectionnant Doom et en tenant dune main de fer sa société. Mais les amateurs regrettent linventivité disparue de lépoque où les deux Johns étaient amis, et où le talent de codeur de Carmack trouvait toute sa dimension dans les décors conçus par John Romero. On sent que la préférence de lauteur du livre va à linventif Romero, bien davantage quà lintroverti Carmack, si génial soit-il dans le domaine de la programmation.
Quoi quil en soit, un ouvrage absolument passionnant même si l'on na soi-même jamais joué à aucun jeu vidéo ! En revanche, deux regrets forts : la médiocrité de la traduction française, et les coquilles trop nombreuses (à commencer par la couverture où Carmack est orthographié Cormack ! un comble !!!). Malgré tout : à recommander dès 13/14 ans et sans limitation dâge !
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 08/09/2010 ) Imprimer | | |