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Histoire & Sciences sociales -> Poches |
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Les colonies au cœur des grands enjeux de la Révolution française ? | | | Yves Benot La Révolution française et la fin des colonies - (1789-1794) La Découverte - Poche 2004 / 11 € - 72.05 ffr. / 280 pages ISBN : 2-7071-4221-2 FORMAT : 13x19 cm
Lauteur du compte rendu : Éric Alary, agrégé dhistoire, Docteur ès Lettres de lIEP de Paris thèse sur la ligne de démarcation publiée en 2003 chez Perrin -, est professeur en Lettres Supérieures et en Première Supérieure au lycée Camille Guérin de Poitiers. Il est chercheur associé au CHEVS/ FNSP et au CRHISCO/ Université Rennes II. Imprimer
En août 1791, dans la partie française de Saint-Domingue, les esclaves, menés par Toussaint Louverture, se soulèvent pour exiger labolition du système esclavagiste. Le 29 août 1793 , ils obtiennent labolition immédiate de lesclavage à Saint-Domingue. La Convention révolutionnaire est obligée détendre cette mesure à la Guadeloupe et la Guyane, le 4 février 1794. En fait, ce nest pas un acte de générosité de la part des révolutionnaires : ceux-ci ont craint en effet une occupation de Saint-Domingue par les Espagnols et les Anglais. Rappelons cependant que la traite négrière nest toujours pas interdite en 1794. Dans lîle de la Réunion alors appelée lÎle Bourbon -, la mesure ne fut pas appliquée car les planteurs empêchèrent toute libération des esclaves. Finalement, le 20 mai 1802, le consul Napoléon Bonaparte abrogea en quelque sorte le texte dabolition et rétablit lesclavage, ce qui est une forme de régression, selon lauteur.
Le rappel des faits permet de mettre en lumière lessai du journaliste et historien Yves Benot qui prend le parti détudier la «politique» coloniale sous la Révolution française, de 1789 à 1794, ce sous le triple aspect idéologique, juridique et politique. Il part du constat que la mémoire collective a oublié lhistoire coloniale pendant les années révolutionnaires. De même, les historiens français ont certes beaucoup travaillé sur le premier empire colonial français de 1600 à 1789, sur la puissance maritime de la France qui est construite dans ces années pour sécrouler à lissue du Premier Empire, mais au final, peu dentre eux sintéressent dans le détail à lhistoire de limpact idéologique et juridique de la question coloniale dans lhistoire de la Révolution.
Il fait donc revivre des acteurs méconnus du combat anticolonial tout en rappelant, par exemple, la place de Diderot, de Raynal et des membres de la Société des Amis des Noirs. Il démonte la pensée de Brissot, le créateur de cette dernière en 1788, qui apparaît comme un homme politique montrant de nombreuses faiblesses dans son discours.
Selon lauteur, qui insiste sur cet aspect, le problème colonial semble avoir été passé sous silence chez les historiens du XIXe siècle et du XXe en tout cas chez les «généralistes» -, comme si cétait un fait mineur dans lensemble de lhistoire de la Révolution française. En rappelant la mémoire ambiguë de lesclavage, Yves Benot propose de rééquilibrer un peu cette période historique qui a fondé lhéritage républicain. De façon provocatrice, il se pose la question de savoir si le «vainqueur blanc» de la Bastille a finalement plus dimportance que le «vainqueur noir» de Saint-Domingue. Il tente de décrire les racines de cette ségrégation.
En dix chapitres, un peu artificiels parfois, lauteur observe lidéologie anticolonialiste avant la Révolution, le despotisme ministériel dans les colonies, le décalage entre le discours contre lesclavage et son abolition indirecte, les plans dabolition graduelle, les réactions devant linsurrection de Saint-Domingue - à Paris, une réaction entre perplexité face à la nouvelle et débats houleux sur les causes -, et les débats entre 1792 et 1794, parfois biaisés, qui ont conduit à labolition.
Le livre sachève par un chapitre intitulé «Dans le miroir truqué des historiens» ; lauteur rappelle certains oublis ou les lectures transformées par les historiens des XIXe et XXe siècles. Selon lui, ils ont occulté létude idéologique des événements coloniaux sous la Révolution française, ce pour des raisons politiques et idéologiques, convaincus parfois dune sorte de «supériorité» de la civilisation européenne. Certes, il peut relever les manques dans les «histoires générales» (chez Thiers, Michelet, Mathiez, Lefebvre, Soboul, etc.), mais il ne peut pas complètement le faire pour les travaux spécialisés et les recherches universitaires sur la colonisation. Yves Benot a sans doute voulu mettre en relief la faible mémoire des événements quil décrit dans un essai qui reste bien documenté.
Le livre est complété par une chronologie très pratique qui met en parallèle les événements à Paris et aux Caraïbes. De plus, lindex des noms propres est constitué par une liste alphabétique de biographies des principaux acteurs rencontrés dans louvrage ; le procédé est ingénieux. Une bibliographie trop sommaire est également ajoutée.
Eric Alary ( Mis en ligne le 30/01/2004 ) Imprimer
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