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| Plutarque Erotikos - Dialogue sur l'amour - Edition bilingue français-grec ancien Les Belles Lettres - Classiques en poche 2008 / 9 € - 58.95 ffr. / 169 pages ISBN : 978-2-251-79996-4 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Le Dialogue sur lamour semble être lune des dernières uvres de Plutarque ; il fut en effet très probablement écrit dans la dernière décennie de sa vie, entre 110 et 120 ap. J.-C. On assiste tout dabord à un court dialogue entre un certain Flavien et Autoboulos, fils de Plutarque, qui fait référence à une conversation remontant à lépoque où son père était jeune marié. Celui-ci, accompagné de sa jeune épouse Timoxéna, était venu offrir un sacrifice à Eros à loccasion de la fête des Erotideia, qui avait lieu à Thespies. A cette occasion, le philosophe retrouve des gens de sa connaissance, avec lesquels il commence à dialoguer plaisamment. Au bout de quelques jours, ils décident de quitter lagitation de la ville et de se rendre au sanctuaire des Muses, sur lHélicon, pour y discuter plus tranquillement. Leur discussion prend un tour particulier lorsque surviennent deux nouveaux amis, Anthémion et Pisias, venus leur soumettre le cas de Bacchon, jeune homme poursuivi par les assiduités de la jeune et riche veuve Isménodore.
Cette intrigue amoureuse ouvre une réflexion sur les mérites respectifs de lamour pour les garçons (défendu par Protogène) et de lamour pour les femmes (défendu par Daphnée). Lensemble du passage se caractérise par une tonalité rhétorique très nette et par un ton léger qui lassimile davantage à une joute oratoire quà un véritable débat philosophique. Mais le ton de lentretien se modifie tout à coup, à lannonce de lenlèvement de Bacchon par Isménodore. Les interlocuteurs sinterrogent : quelle est la nature de limpulsion ayant saisi la jeune femme, par ailleurs présentée jusque-là comme une veuve sage et réservée ? Cest loccasion dun questionnement sur la nature et la puissance de lamour.
Plutarque sapproprie très rapidement la parole. Dans trois discours successifs, occupant plus des deux tiers de luvre, il démontre la nature divine de lAmour (qui nest donc pas une simple passion), sa puissance et ses bienfaits. Il expose ensuite la théorie platonicienne de lAmour et les châtiments qui attendent quiconque le repousse. Enfin, il consacre son troisième discours aux mérites des femmes dans la relation amoureuse et à une apologie de lamour conjugal. Quelques mots donnent lépilogue de lanecdote : Isménodore et Bacchon célèbrent leurs noces, entourés de Plutarque et ses amis, qui viennent de regagner Thespies.
Cette uvre de Plutarque a suscité de nombreux commentaires. Elle a ainsi été discutée longuement par Michel Foucault dans le troisième tome de son Histoire de la sexualité (Le Souci de soi, Gallimard, 1984). Cest sur ce traité, principalement, que cet auteur sest appuyé pour définir ce quil a appelé une «nouvelle érotique» : pour la première fois, lamour conjugal fait partie du domaine dEros ; les thèmes de léros et du gamos, généralement disjoints (la finalité du mariage tient surtout à la production dhéritiers légitimes) sont ici étroitement liés lun à lautre. Autre renversement : lhistoire de lenlèvement bafoue également les conventions de genre, en faisant de la veuve la ravisseuse du jeune homme.
Plutarque sinspire clairement de Platon. Les trois parties de la discussion de lErotikos peuvent être en effet rapprochées de la structure de deux dialogues platoniciens. La discussion sur la nature dEros répond aux premiers éloges non philosophiques dEros dans le Banquet ou aux deux premiers discours du Phèdre. Lintervention centrale de Plutarque occupe la même place que lintervention de Socrate dans le Banquet ou que sa palinodie dans le Phèdre. Enfin, le dernier temps marque le retour au problème concret de la vie conjugale et se termine par la procession nuptiale à laquelle assiste Eros. On peut en rapprocher lintervention dAlcibiade possédé par Dionysos et revenant lui aussi à une réalité plus concrète en donnant à lEros dessiné par le mythe le visage de Socrate. La différence est cependant de taille : chez Platon, lamour sincarne dans la figure symbolique de Socrate philosophe, tandis que pour Plutarque, il se réalise dans le mariage, dont la valeur éminente se révèle progressivement au cours de la discussion. Plutarque se laisse ainsi aller à une certaine rhétorique de lexagération, en identifiant dentrée lamour des femmes avec lamour conjugal.
Son apologétique dEros nest pas sans rappeler la défense dApollon (dont il est le prêtre à Delphes) et des oracles dans Sur le déclin des oracles et Sur les oracles de la Pythie. Cette dernière uvre a dailleurs fait également lobjet dune édition dans la même collection des «Classiques en poche» aux éditions des Belles Lettres, en 2007. Pour lErotikos, le texte établi et traduit par Robert Flacelière pour la Collection des Universités de France a été revu par Françoise Frazier, professeur de littérature grecque à lUniversité Paris X Nanterre, à qui lon doit également les notes et lintroduction. Un seul regret : que le texte ne reprenne pas, en plus de la numérotation des paragraphes de 1 à 26, la numérotation des Moralia (748 E à 771 E ; on la retrouve heureusement dans le résumé pp.IX-XII), comme lavait proposée lédition de Sophie Gotteland et Estelle Oudot (Garnier Flammarion, 2005).
Cette édition de poche a cependant lavantage dêtre bilingue et de proposer, en plus de cinq pages de bibliographie, un appendice présentant quelques textes antiques sur lamour (extraits du Banquet, du Phèdre, des Lois, du Phédon et de la République de Platon ; extraits du De natura rerum de Lucrèce, dun fragment du stoïcien Musonius Rufus, du Sur lamour de Plutarque, dun fragment de Sappho et des Amours de Lucien).
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 16/12/2008 ) Imprimer | | |
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