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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
| . Aristophane Nuées - Bilingue grec ancien-français Les Belles Lettres - Classiques en poche 2009 / 9 € - 58.95 ffr. / 206 pages ISBN : 978-2-251-80002-8 FORMAT : 11x18 cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Après Lysistrata (1996), Les Guêpes (1998) et Ploutos (2008), Les Nuées est la quatrième des onze comédies conservées dAristophane à sortir dans la collection bilingue «Classiques en poche» des éditions des Belles Lettres. Le texte (établi par Victor Coulon) et la traduction (par Hilaire Van Daele) sont repris de lédition de la Collection des Universités de France (1923), avec une introduction et des notes actualisées par Silvia Milanezi, Professeur dhistoire grecque à lUniversité de Nantes. On trouvera à la fin de louvrage un index des noms propres cités, avec de courtes mais utiles notices biographiques. Une abondante bibliographie de vingt-quatre pages vient en clôture.
Les Nuées furent présentées par Aristophane lors des Grandes Dionysies de 423 av. J.-C., et remportèrent le troisième prix derrière Cratinos et Amipsias (auteurs comiques dont on na conservé que des fragments). Mais la pièce présentée cette année-là nest pas celle que nous lisons, qui est en fait une révision. En effet, dans la parabase de la comédie conservée, Aristophane adresse des reproches amusés aux juges qui ne lui avaient pas accordé le succès quil croyait mériter. Quoi quil en soit, sa carrière dauteur comique na pas été du tout compromise par ce troisième prix, et il a marqué la vie du théâtre athénien pendant plus de quarante ans. Cest aussi le seul auteur de lAncienne Comédie dont on ait conservé des pièces complètes.
Lintrigue se noue autour dun certain Strepsiade (ce nom est formé sur un verbe grec qui signifie «tourner», «se tortiller», mais aussi «tricher», et Victor-Henry Debidour la traduit par «Tourneboule»). Campagnard aisé, il a épousé une femme issue de lune des meilleures familles dAthènes, qui lui a donné un fils aux goûts aristocratiques, Phidippide. Ce dernier a développé en effet une véritable passion pour les chevaux. Ce coûteux penchant de son fils et les goûts de luxe de son épouse conduisent Strepsiade à sendetter considérablement. Ayant appris que certains individus sont capables de transformer les discours et de les utiliser à leur avantage, il tente de convaincre son fils dabandonner sa passion équestre au profit de linstruction prodiguée par Socrate dans son «pensoir». Devant le refus de Phidippide, il se voit contraint daller lui-même chez le maître afin dapprendre les discours susceptibles de laider à effacer ses dettes et obtenir la victoire sur ses créanciers.
Pour recevoir son futur disciple, Socrate descend de son perchoir. Il se rend compte que la tâche sera loin dêtre aisée, et il invoque les Nuées, divinités des penseurs, pour quelles viennent le seconder. Lépiphanie des déesses remplit Strepsiade deffroi, mais il entame peu à peu son apprentissage auprès de Socrate. Celui-ci tente de lui enseigner quelques notions de grammaire, de métrique ou de rhétorique, mais le vieillard manque desprit et de mémoire. Excédé, Socrate le chasse alors de son école. Pourtant, Strepsiade retient quelques éléments de cet enseignement, et réussit même à convaincre son fils dentrer au «pensoir». Phidippide accepte de recevoir lenseignement du Raisonnement injuste, une fois que ce dernier la emporté contre le Raisonnement juste, représentant de léducation traditionnelle. Son instruction achevée, Phidippide rentre chez son père. Strepsiade est enchanté daccueillir chez lui cet argumentateur accompli. Il se débarrasse même, sans laide de son fils, des créanciers qui lassaillent en leur débitant des petites phrases socratiques. Mais il déchante vite lorsquil se rend compte quil est incapable de tenir tête à son fils, pour qui la poésie et la musique dEschyle et de Simonide sont des vieilleries, alors que Phidippide ne met personne au-dessus dEuripide. Le fils est même prêt à battre son père qui napprécie guère ce poète novateur. Strepsiade regrette alors le temps où seule la passion pour les chevaux dominait son fils, et léducation quil lui a fait donner chez Socrate. Dans son désarroi, il accuse les Nuées dêtre la cause de son malheur. Mais il considère que ce sont surtout les gens du pensoir (en tout premier lieu Socrate) qui sont responsables de sa ruine. Envisageant tout dabord de leur intenter un procès, il se décide finalement à se faire justice lui-même. Avec laide dun serviteur, il brûle le pensoir, pendant que les Nuées quittent la scène en dansant.
Les deux versions des Nuées ont été produites dans un contexte historique instable, celui de la guerre du Péloponnèse. Elles témoignent également de la vie intellectuelle à Athènes à la fin du Ve siècle av. J.-C., notamment de la présence des sophistes auxquels Socrate est ici assimilé (alors que Platon prend soin de les distinguer de son maître). On a ici une critique acerbe de leur enseignement, accusé de briser les valeurs et les fondements de la cité. Dès lAntiquité, certains ont même considéré que la pièce avait été écrite à la demande des détracteurs, voire des accusateurs de Socrate, et quelle était de ce fait responsable du procès intenté contre le philosophe. Même si ce dernier semble renier ici les divinités traditionnelles de la cité pour en révérer de nouvelles (les Nuées, mais aussi le Tourbillon, Chaos et Glossa, la Langue), et quil apparaît comme un charlatan embrouillant lesprit peu clair de Strepsiade, cette accusation est exagérée, ne serait-ce que parce que la pièce est bien antérieure à la condamnation de Socrate (399 av. J.-C.). De plus, Aristophane na pas été le seul poète à sintéresser au maître de Platon et Xénophon, et à le transformer en personnage comique, même si les autres textes ne sont guère connus que par des fragments.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 21/04/2009 ) Imprimer | | |
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