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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
| Polymnia Athanassiadi Vers la pensée unique - La montée de l'intolérance dans l'Antiquité tardive Les Belles Lettres - Histoire 2010 / 25 € - 163.75 ffr. / 180 pages ISBN : 978-2-251-38100-8 FORMAT : 15cm x 21,5cm
Lauteur du compte rendu : Yannick Durbec, professeur agrégé de Lettres Classiques, Docteur ès Lettres, enseigne en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles. Imprimer
Le présent essai de P. Athanassiadi est le deuxième volume de cet auteur publié en France, après La Lutte pour lorthodoxie dans le platonisme tardif. De Numénius à Damascius, paru en 2006 chez le même éditeur. Mme Athanassiadi (P. A. ci-après) est professeur dhistoire ancienne à lUniversité dAthènes. Vers la pensée unique. La montée de lintolérance dans lAntiquité tardive est issu des conférences prononcées par lauteur au Collège de France, à linvitation de Michel Tardieu. Poursuivant la réflexion entreprise dans La Lutte pour lorthodoxie dans le platonisme tardif, qui était une enquête sur lintolérance dans le cadre du platonisme, P. A. élargit son champ dinvestigation dans Vers la pensée unique. Les quatre chapitres qui composent ce livre dérivent des quatre cours donnés au Collège de France.
Le premier chapitre, intitulé «Antiquité tardive : de lhomme à Dieu ou la mutation dune culture», est consacré à lexamen dune notion historique polémique : quest-ce que lAntiquité tardive ? Cette question peut se décliner en plusieurs interrogations : quelles sont les limites temporelles et géographiques dune telle période ? Est-il légitime de la concevoir comme une entité, une période historique ? Une approche historiographique de la genèse de cette période dans les écrits historiques permet à P. A. den exposer les présupposés. Depuis la publication en 1971 du livre de Peter Brown, World of late Antiquity : from Marcus Aurelius to Muhammad, jusquà la publication en 2008 par luniversité John Hopkins dune nouvelle revue intitulée Journal of Late Antiquity, en passant par lantithèse des travaux de P. Brown , larticle virulent publié en 1999 dans la revue Studi Storici par Andrea Giardina, P. A. démonte ce quelle nomme une «construction de lesprit postmoderne». Usant de la métaphore de la navigation, P. A. encadre son champ détude par deux dates et deux lieux : Rome en 250 et Constantinople en 553. Le matériau de cet essai se constitue de lhistoriographie, des actes et canons des conciles ecclésiastiques et des codes juridiques. Le principe exégétique, qui guide lanalyse de la métamorphose de la société dans son passage de lAntiquité au Moyen-âge, est lintolérance. Cet anachronisme terminologique conscient et voulu (le mot napparaît en tant quantithèse de la tolérance quau temps des querelles religieuses, au XVIe siècle) est loutil interprétatif par lequel P. A. interroge la «conversion dune culture anthropocentrique en théocratie».
Dans le deuxième chapitre, «Religion d'État et raison d'État : de Dèce à Constantin», P. A. examine la banalisation de la violence à travers deux phénomènes légués par lEmpire à la religion chrétienne : la centralisation de l'État et la culture de lamphithéâtre. Dans la transformation de la société et surtout de l'État en théocratie, la persécution de Dèce contre les Chrétiens constitue une étape décisive dont P. A. étudie les conséquences. Toutefois, cest à Eusèbe de Césarée, comme le montre lauteur, quest due la formulation dune théologie politique, où lempereur apparaît comme le légat du Christ sur terre.
Le troisième chapitre analyse la réalisation du modèle politique conçu par lévêque de Césarée par les empereurs Constantin, Constance et surtout Julien. P A. propose une réévaluation des idées de cet empereur habituellement dépeint comme réactionnaire et montre comment il sinscrit pleinement dans le mouvement de la société romaine vers une «monodoxie». Cette étude fine de lévolution de Julien nest pas un des moindres intérêts de cet essai stimulant. Le dernier chapitre, «Codifier pour mieux contrôler : la loi et le canon», présente le champ de la violence théologique, à travers lexamen des codes juridiques, des canons ecclésiastiques et des auteurs qui sinscrivent en contrepoint de la rhétorique patristique. Les mystiques, savants et/ou exaltés seront les opposants à la modoxie.
Cet essai rigoureux est une lecture nécessaire en ces temps ou lintolérance est en pleine expansion.
Yannick Durbec ( Mis en ligne le 06/04/2010 ) Imprimer | | |
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