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Le poids des mots, sans les photos | | | Romain Brethes Laure de Chantal Collectif Celebriti - Riches, célèbres et antiques Les Belles Lettres - Signets 2010 / 13 € - 85.15 ffr. / 342 pages ISBN : 978-2-251-03012-8 FORMAT : 11cm x 17,8cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Achille, Cléopâtre, Spartacus ou Hélène de Troie furent en leur temps aussi célèbres voire plus que les stars actuelles qui les incarnèrent à lécran, comme Brad Pitt, Elizabeth Taylor, Kirk Douglas ou Diane Kruger, qui figurent tous quatre en couverture du dernier ''Signets'' des éditions des Belles Lettres. Ce dernier ouvrage est au croisement de deux univers le plus souvent antithétiques, celui de la grande littérature des humanités classiques, et celui de la presse people, qui passionne généralement plus les masses que les élites intellectuelles universitaires. Le propos pourra paraître futile, dautant plus que le recueil de textes et précédé dun entretien avec le célèbre romancier Frédéric Beigbeder. Les rapprochements opérés avec les stars et les people actuels frisent parfois lanachronisme (faire dAntigone une «icône de la jeunesse rebelle», au même titre quAlcibiade, est pour le moins osé, de même que de voir en Sardanapale une «folle du désert») et risquent de mal vieillir (se souviendra-t-on dans quelques années de la série Nip/Tuck ?). Néanmoins, ce recueil est loccasion de découvrir ou redécouvrir de nombreux textes savoureux, comme la célèbre description par Juvénal de la scandaleuse impératrice Messaline, qui «apporte au lit impérial les relents du lupanar». (Satires, VI, 114-132).
Le premier chapitre rapproche les «scoops» contemporains de la gloire mais aussi des conduites hybristiques de certains héros ou même héroïnes, comme Médée, dont lhistoire recèle tous les ingrédients dun soap à lantique : familles royales, amour passionné, trahison, folie criminelle
Il opère également un parallèle entre le buzz, lévènement central appelé à faire toutes les unes, et la fama des Anciens, dont le double sens de «rumeur» perfide et de «réputation» résume bien toute lambiguïté. Les témoignages des historiens ou chroniqueurs sur les frasques des puissants sont rapprochés des évènements rapportés par les modernes paparazzi. Les satiristes, au premier chef Juvénal et Martial, ne sont pas oubliés.
Vient ensuite un chapitre sur les «tendances», de qui est en hausse ou en baisse, éléments dautant plus importants dans une société du paraître, où un homme ne peut être reconnu pour ce quil est que dans le regard dautrui. Le goût du «dernier chic» particulièrement avec les conquêtes dAlexandre est mis à lhonneur. Le troisième chapitre est consacré aux frasques de la jeunesse dorée et des enfants de parents célèbres, ayant eu une adolescence difficile ou ayant disparu trop tôt. Le chapitre suivant traite des affaires tragiques et autres scandales. Les mésaventures des deux familles maudites des Atrides et des Labdacides sont rapprochées de la célèbre série américaine Dallas (qui avait déjà eu les honneurs du comparatisme avec Homère grâce à Florence Dupont, dans un livre de 1991 Hachette - réédité en 2005 - Kimé). Les scandales financiers (Verrès), politiques (Socrate, Catilina, Jules César, Héliogabale) et sexuels (César «mari de toutes les femmes et femme de tous les maris», Tibère à Capri, Messaline, Clodius déguisé en femme aux fêtes de Bona Dea, Marc Antoine ou Sardanapale) sont également évoqués.
Le cinquième chapitre traite des paradis sensuels et artificiels que provoquent le sexe et les drogues (lopium était connu de Marc-Aurèle), mais aussi des «étoiles de larène» quétaient alors les gladiateurs, sans parler des acteurs de théâtre et surtout les mimes, qui étaient autant vénérés par le public que marginalisés dans la société. Les gourous ne sont pas oubliés, à linstar de lAlexandre se prétendant, chez Lucien, prophète et porteur de la parole du dieu Glycon. Le chapitre suivant met en scène les dandys et les nouveaux riches. Lun des plus étonnants du premier groupe est lhermaphrodite Favorinos dArles, tandis que le célèbre Trimalcion du Satirycon règne en maître sur le second groupe. Il ne faut pas sétonner de voir apparaître aussi des «intellectuels à paillettes», souvent engagés dans des guerres intellectuelles faisant rage entre sectes philosophiques.
Le septième chapitre est consacré aux têtes couronnées et aux couples mythiques, parmi lesquels se dégagent les figures de Didon et Enée, Alexandre et Roxane, Aspasie et Périclès, ou encore Cléopâtre et Marc Antoine. Les deux derniers chapitres, un peu plus fourre-tout, sintéressent dune part à létiquette et aux bonnes manières, mais aussi au luxe et aux bijoux, aux banquets grecs, bien mesurés en comparaison des orgies romaines ; dautre part aux conseils de beauté, aux signes divins et autres horoscopes appréciés par certains grands hommes, ainsi quaux belles demeures dont le faste frise souvent la démesure.
Une annexe présente lOlympe comme un «paradis people», se délectant des frasques des dieux, et plus particulièrement des infidélités de Zeus et de ladultère dArès et dAphrodite. A la suite dun Whos who antique récapitulant les principales personnalités dont il a été question dans le recueil, on trouve les traditionnels «auteurs du signet» et une bibliographie permettant daller plus loin, où les sources antiques prennent le pas sur les études modernes. Il nest pas besoin de préciser que le tout forme un florilège plus agréable à lire que Voici, Gala ou Paris Match, même sans photos...
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 07/09/2010 ) Imprimer | | |