| . Sophocle Philoctête Les Belles Lettres - Classiques en poche 2012 / 11.20 € - 73.36 ffr. / 123 pages ISBN : 978-2-251-80020-2 FORMAT : 10,8 cm × 17,8 cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Après Antigone (1997), dipe Roi (1998) et Ajax (2001), la collection ''Classiques en poche'' des éditions des Belles Lettres nous offre une quatrième tragédie de Sophocle, Philoctète. Cette édition reprend le texte établi par Alphonse Dain et la traduction de Paul Mazon revue par Jean Irigoin, telle quelle a été publiée dans la Collection des Universités de France, mais sans un apparat critique aussi développé. Sy ajoute une introduction de Pierre-Emmanuel Dauzat mettant en perspective le texte sophocléen avec des auteurs postérieurs qui sen sont inspiré, tels Nietzsche, Simone Weil, Jean-Paul Sartre ou même Lacan.
Comme Ajax, lintrigue prend place dans le cadre de la guerre de Troie. Philoctète est lun des rois coalisés contre la ville de Priam. Il a la particularité davoir hérité de larc dHéraclès, dont les flèches sont invincibles, pour avoir allumé le bûcher du héros sur lta. Mais, mordu par un serpent sur lîle de Chrysé, sa blessure dégageait une pestilence telle que ses compagnons, à linitiative du rusé Ulysse, labandonnent, au cours dune escale, sur lîle de Lemnos, alors quil est endormi dans une caverne. Or, plusieurs années après, un oracle annonce aux Grecs que la ville de Troie ne pourra tomber sans larc dHéraclès. Ainsi, après lavoir trahi une première fois, les Grecs, conduits par Ulysse et Néoptolème, le jeune fils dAchille, viennent le persuader de leur accorder son aide. Ulysse se cache, se doutant bien quil serait lobjet de la vindicte de Philoctète, et enjoint le jeune Néoptolème de prendre par la ruse larc à Philoctète. Celui-ci y parvient après avoir gagné sa confiance. Mais, saisi de scrupule, le jeune homme lui révèle la machination ourdie contre lui. Philoctète le maudit, et exige que larc lui soit rendu. Ulysse intervient alors et entraîne Néoptolème avec lui, laissant Philoctète désarmé, voué à une mort certaine sur lîle déserte. Mais Néoptolème revient, et, bourré de remords, rend larc à Philoctète tandis quUlysse senfuit. Ne réussissant pas à convaincre Philoctète de se rendre à Troie volontairement, Néoptolème accepte de le ramener chez lui. Apparaît alors Héraclès, en deus ex machina. Il ordonne à son ami daller à Troie, où il guérira, tandis que la cité sera vaincue grâce à lui et au fils dAchille. Philoctète accepte alors dobéir à un ordre venu de si haut. Avant de quitter lîle, il salue les rivages de Lemnos où il a survécu si longtemps.
Philoctète est lune des dernières pièces de Sophocle, jouée alors quil est âgé de près de quatre-vingt-dix ans. Elle date de 409 av. J.-C. il reçoit le premier prix cette année-là alors que son auteur mourra trois ans plus tard, en 406-405. Le personnage est lun des rares à avoir inspiré une pièce homonyme à chacun des trois grands tragiques. De ces trois pièces, seule celle de Sophocle nous est parvenue, mais il est possible de se faire une idée des autres à travers différents témoignages antiques. Dans la pièce dEschyle, Ulysse affrontait seul les reproches de Philoctète, qui exhalait sa plainte devant le chur des Lemniens. Chez Euripide, laction était plus complexe, car le héros se trouvait confronté à deux partis : une délégation troyenne en plus de celle des Grecs menée par Ulysse et Palamède. Sophocle est le premier à faire de Lemnos une île déserte, la première de lhistoire de la littérature. Il est aussi le premier à composer le chur dhommes déquipage, rehaussant ainsi la solitude du héros. Cette pièce lyrique et puissante montre ainsi les limites de lhéroïsme et rappelle la fragilité de la condition humaine.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 29/05/2012 ) Imprimer | | |