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Histoire & Sciences sociales  ->  Antiquité & préhistoire  
 

La laborieuse mise en place d’une catholicité
Marie-Françoise Baslez   Comment les chrétiens sont devenus catholiques - Ier-Ve siècle
Tallandier 2019 /  21,90 € - 143.45 ffr. / 312 pages
ISBN : 979-10-210-1370-4
FORMAT : 14,5 cm × 21,5 cm
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Vous avez dit «catholique» ? Vous pensez évidemment Rome, papauté, deux-mille ans d’histoire. Encore que «catholique» signifiant «universel», le monde, aujourd’hui, est loin d’être devenu «catholique». Et puis, de nos jours  point nécessaire d’être grand clerc pour le savoir : la chrétienté ne compte pas que des «catholiques». Pourtant, dès la fin du Ier siècle, le rédacteur de l’Évangile de Matthieu comprenait comme devant s’étendre au monde entier la mission dévolue aux disciples de Jésus (Mt 28, 19). Quelques décennies plus tôt, Paul de Tarse avait formulé autrement la même ambition (Ga 3, 26-28). Une route tranquille s’ouvrait-elle donc à ces hommes et femmes encore à peine qualifiés de chrétiens, qui accueillerait peu à peu des convertis versus la disparition du paganisme ? Histoire simpliste, apologétique ; désuète mais peut-être pas dépassée pour tout le monde.

La recherche universitaire, l’étude des textes (irremplaçable Eusèbe de Césarée lu par des historiens !), les résultats de l’archéologie, l’insistance sur une stricte chronologie et la précision des analyses locales ont conduit à des résultats infiniment plus complexes. Marie-Françoise Baslez, grande figure de ces reconstructions historiques, livre dans cet ouvrage la synthèse de ce que l’on peut savoir sur la façon dont le christianisme s’est diffusé, depuis ses origines jusqu’à devenir religion officielle de l’État. La méthode ? Croiser les sources de toutes natures, et ne pas craindre de poser des conclusions au rebours de la tradition.

Le terminus ad quem de sa présentation offre une date assez classique : années 390, celles où l’empereur Théodose fait du christianisme la religion officielle de l’empire romain d’Occident. Elle est dite seule légitime, mais les autres, reconnues comme marginales, ne sont pas - pour le moment - objets de persécutions. Le siège de Pierre, pourtant remarquablement muet au cours des grands conciles du IVe siècle, porté par le rang de capitale de l’Empire qu’est Rome, voit son autorité pour l’heure établie. Quant aux Églises d’Orient, elles restent diverses. Incontestable pourtant : aux marges, l’expansion missionnaire s’est faite dans les pas de l’extension de l’empire romain, et pas toujours à leur avantage.

Que de chemin parcouru ! Il convient même d’oublier, répète l’auteure, cette idée fausse d’une Église, constituée d’une poignée de chrétiens, unis dès l’origine. La chronologie est têtue qui, dès les années 40, révèle dans la seule Corinthe (1 Co 1, 12) l’existence simultanée d’au moins quatre groupes croyants se réclamant qui de Céphas, qui d’Apollos, qui de Paul, qui «du Christ». Chacun en tient pour son fondateur. Bel exemple de mésintelligence, une décennie après la condamnation à mort du Christ ! Il faut attendre Ignace d’Antioche pour que soit posée l’idée d’un universalisme chrétien (Lettre à l’Église de Smyrne, vers 115). Une caractéristique importante, toutefois, distingue des autres la religion nouvelle : ses convertis font une démarche individuelle quand les autres religions sont à caractère ethnique. Autre nouveauté : la religion du Christ est missionnaire.

L’ouvrage de M.-F. Baslez tente de mettre de l’ordre dans le bouillonnement d’idées grâce auquel se construit - avec quelles divergences selon les moments, les lieux, les personnages - une orthodoxie. Un moment essentiel dans cette complexité est sans doute celui où s’est fixé, à la fin du IIe siècle, le canon normatif des écrits que nous appelons «Nouveau Testament» et dont le processus de sélection est, en fait, impossible à saisir. Il constitue une référence, mais l’unité de foi ne s’établit pas encore pour autant. Les diverses positions doctrinales reflètent (ou imposent) des choix de société. Les controverses, de fait, sont moteurs d’avancée et de clarification. Toutefois l’«hérésie» est une notion anachronique, un qualificatif imposé par l’Histoire ecclésiastique. Il s’agit d’un courant de pensée souvent antérieur et générateur de ce qui va devenir la norme. Toute idée nouvelle concourt à la construction d’une pensée commune. Les évêques, constitués en réseaux, jouent un rôle majeur : échange de correspondances, synodes, communications de toutes sortes, par l’oralité et/ou l’écriture.

Ce qui est en débat, c’est ce que l’on croit, mais aussi ce que l’on pratique : baptêmes, célébrations eucharistiques, date de Pâques, remises des péchés et réintégration de ceux qui ont lâché pied au temps des persécutions. M.-F. Baslez s’attache à ce qui se vit dans les diverses communautés. Les débats des Pères de l’Église sont suffisamment connus par ailleurs. Avec les grands conciles du IVe siècle, on franchit une étape décisive, encore qu'aucun de ces synodes ne réunit vraiment tous les évêques, et pas davantage ne vote unanimement. Il a fallu Chalcédoine (451) pour expliciter la foi qu’avait, pense-t-on, définie Nicée (325). Et il y a encore une face cachée, qui échappe à l’histoire traditionnelle des conciles : on y débat, quantitativement, plus de discipline que de dogme. On est néanmoins bien loin de l’isolement des petits groupes de croyants du Ier siècle vivant chacun pour soi.

Voilà donc un ouvrage percutant, une synthèse d’une grande érudition. L’auteure n’avance rien qui ne soit immédiatement justifié par des références… dont le lecteur peut regretter qu’elles soient rejetées en notes en fin d’ouvrage.


Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 17/04/2019 )
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