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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
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Les ancêtres de Moon et Hare Krishna | | | Gérard Freyburger Marie-Laure Freyburger-Galland Jean-Christian Tautil Sectes religieuses en Grèce et à Rome dans l'Antiquité païenne Les Belles Lettres - Realia 2006 / 21 € - 137.55 ffr. / 429 pages ISBN : 2-251-33820-9 FORMAT : 14,0cm x 22,0cm
Deuxième édition revue et corrigée.
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement élève conservateur à lEcole Nationale Supérieure des Sciences de lInformation et des Bibliothèques. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Les éditions des Belles Lettres rééditent vingt ans après sa première publication dans la collection Realia louvrage de Gérard Freyburger, Marie-Laure Freyburger-Galland et Jean-Christian Tautil consacré aux sectes religieuses dans lAntiquité gréco-romaine. Les auteurs sont respectivement professeur de langues et littérature latines à lUniversité Marc Bloch de Strasbourg, professeur de langue et littérature grecque à lUniversité de Haute-Alsace et maître de conférences honoraire en histoire de lart dans cette même université.
Ils proposent dans ce livre de regarder la religion grecque hors des cadres officiels, du côté des sectes. Ces sectes antiques ont créé une rupture avec la religion civique au sein de laquelle les pratiques savéraient souvent très collectives. Or, les adeptes de ces sectes souhaitaient, eux, tisser un lien plus étroit et plus personnel avec le divin, et accéder à un statut individuel de croyant, allant au-delà de laspect purement ritualiste de la religion civique.
Le mot «secte» se rattache étymologiquement à la fois au verbe «suivre» (sequor) et au verbe «couper» (seco). Le mot secta apparaît assez tard en latin pour désigner une association religieuse marginale. Mais ce sont bien les idées de «séparation» et de «rupture» qui prévalent dans les mouvements étudiés. Dans nos mentalités actuelles, pour quil y ait secte, il faut quil y ait eu préalablement une communauté orthodoxe de croyances, de laquelle certains membres ont fait sécession. Cependant, dans lAntiquité, la question se pose en des termes un peu particuliers, vu que les religions gréco-romaines sont moins fondées sur des croyances que sur des rites. Le livre propose de voir dans quelle mesure ces courants sectaires ont pu se développer à côté de la religion civique, cette dernière étant rythmée par des fêtes et des sacrifices inscrits dans les calendriers.
Louvrage comporte trois parties. La première, rédigée par Marie-Laure Freyburger-Galland, est consacrée à la Grèce. La seconde, qui traite des sectes religieuses dans la Rome républicaine et au début de lépoque impériale, est luvre de Gérard Freyburger. Enfin, Christian Tautil est lauteur de la troisième partie consacrée à deux sectes bien installées à lépoque impériale : les Isiaques et les Mithriastes. La période considérée sétend donc du VIe siècle av. J.-C. au IVe siècle ap. J.-C. Les deux premières parties souvrent chacune sur une introduction rappelant les caractéristiques des religions officielles grecque et romaine, permettant ainsi de mieux appréhender le positionnement marginal des sectes. Les différents courants sectaires sont ensuite étudiés avec précision. Pour chaque mouvement, lauteur rassemble la pluralité des sources littéraires, archéologiques, épigraphiques et même iconographiques (avec un cahier central de 16 illustrations). Ces sources sont parfois bien ténues, en raison de limportance du secret de linitiation dans chacun de ces mouvements. Sont décrits, dans la mesure de nos connaissances, lorganisation de la secte, ses rites, ses croyances, éventuellement sa doctrine.
La partie grecque commence par étudier les différentes formes de mysticisme, qui proposent un rapport au divin différent sans être pour autant en rupture totale avec la religion civique. Sont ainsi successivement analysés la divination apollinienne, linitiation éleusinienne et le mysticisme dionysiaque. Lauteur choisit ensuite de sarrêter plus longuement sur létude des associations dionysiaques, avant de sintéresser à des cultes plus marginaux concernant des divinités thraces (Cotys, Bendis) ou orientales (Adonis, Cybèle et Attis), sans oublier les mystérieux Cabires. Il évoque ensuite deux sectes philosophico-religieuses : les Orphiques et les Pythagoriciens.
Dans la seconde partie, lauteur choisit de revenir à Dionysos, consacrant une large place à laffaire des bacchanales. Les Bacchants de Rome se distinguent de leurs homologues grecs (étudiés dans la première partie) par leur radicalité. La menace ressentie justifie au reste la répression. Une autre importation grecque est ensuite analysée : celle du pythagorisme, également en butte, bien que de façon moins répressive, à lhostilité du pouvoir et de lopinion publique.
La troisième partie présente une image moins hostile de Rome face aux sectes. Elle étudie en effet deux courants sectaires qui ont pris une importance considérable à lépoque impériale, cohabitant de manière plutôt pacifique avec lEmpire romain : lIsisme et la Mithriacisme. Le premier rassemble les dévots de la déesse égyptienne Isis, revue et corrigée à la sauce hellénistique. Le second adore un dieu dorigine iranienne, Mithra, paradoxalement très populaire dans les légions (qui avaient notamment à combattre les Parthes puis les Perses Sassanides).
Un index des principales notions et des principaux noms cités, ainsi quun lexique et une bibliographie, sont disponibles à la fin de louvrage. Bien documenté et accessible, le livre est conforme aux ambitions de la collection Realia des Belles Lettres, qui cherche à présenter de manière claire et illustrée des aspects de la civilisation antique à un large public.
Si ce livre concerne lAntiquité, il permet pourtant dinitier une réflexion sur le phénomène sectaire qui est encore dactualité dans nos sociétés contemporaines. Comme le conclut lauteur, les sectes daujourdhui ont en commun avec celles du passé la notion de secret, de syncrétisme ou désotérisme. Elles naissent aussi de linsatisfaction des fidèles qui narrivaient pas à trouver dans la religion traditionnelle les réponses à leurs aspirations spirituelles. Mais la théorie ancienne dun développement des sectes dans lAntiquité en rapport avec une «crise morale» et une «crise de société» (p.337) mériterait dêtre nuancée, ce que ne font pas les auteurs, qui reprennent sur ce point les vieilles thèses de F. Cumont (Les Religions orientales dans le paganisme romain, Paris, 1929). On trouve aussi quelques idées un peu datées comme linsistance sur la théorie génétique dans lanalyse des dieux. Ainsi, la chouette dAthéna est reliée aux «quelques traces dun animisme et dun fétichisme primitifs» (p.20 et n.3) ; Dionysos est envisagé comme une «divinité syncrétique [qui] superpose des caractéristiques égéennes et thraco-phrygiennes» (p.38). Ces quelques remarques nenlèvent cependant rien à la qualité densemble de ce livre, qui a lavantage de montrer la complexité du sujet sans faire étalage dune érudition trop ardue.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 21/03/2006 ) Imprimer
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