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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
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La Bible de la mythologie grecque | | | Timothy Gantz Mythes de la Grèce archaïque Belin - L'antiquité au présent 2004 / 50 € - 327.5 ffr. / 1423 pages ISBN : 2-7011-3067-0 FORMAT : 17x22 cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne (mémoire sur Les représentations du féminin dans les poèmes dHésiode) et dun DEA de Sciences des Religions à lEcole Pratique des Hautes Etudes (mémoire sur Les Nymphes dans la Périégèse de la Grèce de Pausanias). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia, il est actuellement professeur dhistoire-géographie. Imprimer
La collection «LAntiquité au présent» de Belin a eu la bonne idée déditer enfin en français louvrage majeur de Timothy Gantz, déjà une Bible pour les hellénistes familiers de la langue de Shakespeare : Early Greek Myth, A Guide to Literary and Artistic Sources (The Johns Hopkins University Press, 1993). Les traductrices, Danièle Auger et Bernadette Leclercq-Neveu, ont articulé cette version française de nombreux titres et sous-titres permettant de sorienter aisément dans la narration des différents épisodes mythologiques. Louvrage, volumineux (plus de 1400 pages), comprend de nombreuses annexes, qui vont dune liste des éditions des textes anciens à un précieux index des personnages (le livre nest pas un dictionnaire, mais plutôt une encyclopédie), en passant par un catalogue des représentations figurées, une bibliographie des titres cités plus dune fois dans les notes et les indispensables tableaux généalogiques. Le seul regret que lon puisse avoir est quil sagit, pour cette édition française, dun ouvrage posthume, lauteur (professeur de poésie et de mythologie grecques à lUniversité de Géorgie) étant décédé en janvier 2004 à lâge de 58 ans.
Louvrage nest pas un manuel classique se contentant de résumer les différents mythes, parfois en choisissant entre plusieurs versions. Lauteur recense en fait, cycle par cycle, les variantes des mythes que proposent les uvres littéraires et les représentations figurées (en particulier la céramique), donnant ainsi accès à des sources dordinaire inaccessibles aux non-spécialistes. Il a surtout cherché à «décompiler» les mythes pour restituer ce que nous pouvons savoir des différentes versions dont ils se composent, en essayant, dans la mesure du possible, de les dater. Il examine ce quil est possible détablir concernant lorigine de chaque élément narratif, tentant de déterminer la première occurrence de ces composantes dans les sources littéraires ou les documents figurés. Il est bien conscient que cette quête des origines ne peut être absolue, puisque létat de conservation de nos sources ne livre rien de plus quun terminus post quem, qui engendre souvent encore plus de questions et dhypothèses. Certains épisodes sont attestés, sans doute possible, pour lépopée et la poésie lyrique antérieure au Ve siècle av. J.-C. ; dautres ne font surface que plus tardivement, chez Euripide, Callimaque, Ovide ou encore le pseudo-Apollodore (auteur inconnu de la Bibliothèque, première réelle compilation de la mythologie dont nous disposions, datant probablement du IIe siècle ap. J.-C., même si elle sinspire très certainement, en de nombreux points, du Catalogue des Femmes du début du VIe siècle av. J.-C., dont nous ne conservons que quelques fragments ou allusions chez des auteurs postérieurs, mais dont nous pouvons nous faire une idée de la trame générale).
Le titre même du livre proclame que lauteur sintéresse avant tout à la période archaïque, en gros, dHomère à Eschyle et Bacchylide compris. Mais il élargit ce cadre initialement prévu, prenant également en compte les premières occurrences des divers motifs dans toute la littérature grecque et romaine. Il retient aussi duvres des périodes classique, hellénistique ou même romaine (y compris les auteurs latins) ce qui est susceptible de renvoyer à la période archaïque. Il reconnaît lui-même quil introduit ainsi une certaine dose de subjectivité dans son travail. Il serait mesquin de lui en faire grief, dautant plus quil nentreprend aucune étude systématique dun mythe pour lui-même, ni de son évolution après lépoque archaïque (lentreprise serait titanesque !).
Il ne prétend pas à lexhaustivité en ce qui concerne les témoignages artistiques, renvoyant à linestimable outil de travail que constitue le Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae (Artemis-Verlag, 1981-1999). Son souci a été plutôt de sélectionner les premiers témoins de la présence dun mythe, ou ceux ayant rajouté des éléments nouveaux ou déventuelles variantes, même sil y a souvent controverse, dans beaucoup dimages archaïques, sur lidentification de scènes incontestablement mythologiques.
Le premier chapitre sintéresse, en toute logique, aux origines du monde et aux premiers dieux. Puis viennent les Olympiens et une analyse de leur séjour, qui soppose à un au-delà dans lensemble plus lugubre (à lexception de la plaine élyséenne, plus agréable que lHadès ou le Tartare
). Le quatrième chapitre sintéresse aux premiers hommes et au mythe de Prométhée (qui ne saurait résumer les mythes danthropogonie en Grèce antique). Sensuit logiquement un exposé de la descendance de Deucalion, fils de Prométhée et considéré comme le premier homme chez les Grecs du Nord (il est dailleurs le père dHellen, éponyme des Hellènes, même si une version donne pour père à ce dernier Zeus lui-même). Mais dautres lignées héroïques ont des origines différentes. Le sixième chapitre sintéresse ainsi aux descendants dInachos, dieu-fleuve dArgolide (Io, les Danaïdes, Europe, Phinée), à ceux des filles dAtlas (dont les lignées royales de Sparte et de Troie) et enfin à ceux des filles du dieu-fleuve Asopos (dont Eaque et Télamon). Le septième chapitre présente la famille royale dAthènes, dorigine autochtone. Lévocation de la geste de Thésée permet daborder ensuite Minos (fils dEurope et donc descendant dInachos) et la Crète. Le chapitre X sintéresse à Persée (lui aussi issu de la lignée dInachos) et plus curieusement à Bellérophon, descendant dHellen (et donc de Deucalion) par lintermédiaire dAiolos (Eole) et de Sisyphe (à moins quil ne soit un bâtard de Poséidon, et donc demi-frère de sa monture Pégase qui a pour mère la Gorgone Méduse !). Les chapitres suivants sintéressent à dautres Aiolides, les filles de Thestios (Léda mère des Dioscures et Althaia mère de Méléagre) et Jason (cest loccasion de présenter lépopée des Argonautes). Le treizième chapitre sintéresse à Héraklès, descendant de Persée né à Thèbes, ville qui fait lobjet du chapitre suivant (avec un récit qui part de Kadmos, le fondateur, frère dEurope, pour arriver jusquà dipe puis à la guerre des Sept et de leurs Epigones). La lignée de Tantale (et donc les Atrides) est au centre du quinzième chapitre, et permet dintroduire la guerre de Troie et le retour des chefs Achéens. Le chapitre XVIII sintéresse à des mythes que Timothy Gantz na pas su classer ailleurs : Ixion, Orphée, Lykaon et Kallisto (issus de la lignée autochtone arcadienne), Adonis, Glaukos et Skylla, Kresphontès et quelques autres
Enfin, un appendice boucle lensemble par un retour aux origines, exposant quelques cosmogonies «déviantes», comme celles de Phérécyde de Syros ou des théogonies orphiques.
A travers ce plan, lauteur marche peu ou prou dans les pas du poète du Catalogue des Femmes ou du pseudo-Apollodore. Mais il fait bien plus en rattachant précisément les mythes grecs, partout où il le peut, aux divers écrivains, conteurs et artistes qui nous les ont transmis, essayant de déterminer ce que chacun deux a pu connaître de ce vaste ensemble que constitue pour nous lunivers de la mythologie grecque. Univers dont il nous donne une somme qui ferait presque figure de Bible, si le terme nétait pas aussi mal adapté pour une civilisation polythéiste ignorant les dogmes, surtout dans lenfance de larchaïsme encore présocratique...
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 21/02/2005 ) Imprimer
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