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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
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Quitter l’image d’Epinal pour la réalité ! | | | Jean-Louis Brunaux Les Gaulois Les Belles Lettres - Guide des civilisations 2005 / 15 € - 98.25 ffr. / 314 pages ISBN : 2-251-41028-7 FORMAT : 14x21 cm
Lauteur du compte rendu : autodidacte formé à la préhistoire, notamment le Néolithique du sud-est de la France, Yvon Luneau a travaillé sur plusieurs chantiers archéologiques dans la Drôme et lArdèche avec Marie Hélène Moncel, de lInstitut de Paléontologie Humaine de Paris. Il poursuit actuellement une campagne de prospection de surface sur la Valdaine (26), en relation avec le Centre dArchéologie Préhistorique de Valence, M. Beeching, archélogue (CNRS) et M. Brochier, archéo-géologue. Imprimer
Les guides Belles-Lettres des Civilisations ont pour vocation de présenter un panorama complet des connaissances sur les civilisations aujourdhui disparues. Jean-Louis Brunaux présente les Gaulois en fournissant aux lecteurs une synthèse de toutes les connaissances historiques et archéologiques actuelles, contribuant ainsi à combattre l'image dEpinal que certains Français se font de leurs «glorieux» ancêtres.
Jean-Louis Brunaux, chercheur au CNRS, spécialiste du sujet, a dirigé de nombreux chantiers archéologiques, rédigé plusieurs monographies de fouilles et publié des ouvrages sur la religion, la guerre et la société gauloises. En plus de son expérience de terrain, il enrichit ce guide de son analyse des écrits historiques dauteurs célèbres comme Poseidonios dApamée, Tite-Live, Strabon et, bien entendu, César. Lauteur fait ici un portrait global des Gaulois, peuples particulièrement guerriers. Pour cela, il divise son ouvrage en deux grandes parties : La première, «Les Gaules», concerne tout ce qui touche aux structures sociales gauloises. La deuxième partie, «Lhomme gaulois», traite lindividu, avec la religion et la vie privée.
La première partie, avec ce pluriel, exprime bien la mosaïque de populations dorigine celtique, et la mosaïque de territoires qui constituent les Gaules. Cest par lhistoire que débute lauteur ; il rappelle que nous avons affaire à des peuples sans écriture, donc sans histoire puisqu'ils ont fait le choix dune culture orale. Ce sont essentiellement les auteurs grecs et romains qui apportent des informations historiques. Ces dernières sont déformées par la vision quavaient les auteurs de ces peuples guerriers dits «barbares», qui nhésitaient pas à venir piller Rome, la Macédoine et même Delphes, et se vendaient comme mercenaires aux plus offrants. Une chronologie exhaustive clôture ce chapitre. Les territoires gaulois vont de la Bavière à lAtlantique, des Pyrénées à la mer du Nord et comprennent aussi lItalie du Nord, la Cisalpine. Lauteur insiste sur le fait que cest une géographie avant tout humaine : en effet, ces peuples nhésitent pas à migrer au sein même de ces territoires mais aussi plus loin, jusquen Galatie (Turquie). Les auteurs latins, dont César, qualifient ces populations de «Gaulois», plus particulièrement celles vivant dans une zone située entre la Garonne et la Seine dune part, lOcéan et les Alpes dautre part, alors qu'eux-mêmes se désignent comme Celtes. J. L. Brunaux présente des territoires, les civitates, constitués de cantons (pagi), chacun étant habité par une tribu, lentité ethnique fondamentale. Lhabitat y est dispersé mais on assiste, au cours du IIe s. av. JC, à l'apparition de places fortes importantes, les oppida.
Lorganisation sociale repose sur une stratification présentant des hommes libres, divisés en druides, guerriers, «plèbe», auxquels sajoutent des esclaves. Les relations fonctionnent sur la base du clientélisme. Tous les témoins saccordent à dire que les Gaulois ont un grand intérêt des affaires politiques et sont opposés à toute autorité unique. Ils tendent vers une certaine démocratie puisqu'ils élisent un chef de guerre et un «chef administratif» différents, pour de courts mandats ou de simples missions. La vie économique repose sur la guerre : celle-ci nest pas seulement une institution culturelle. Les Gaulois ne sont pas versés dans le commerce, ni dans lagriculture, quils méprisent ; ils sont en effet connus pour préférer aller moissonner chez leurs voisins. Même lartisanat, pour lequel ils sont réputés, nest pas excédentaire. Le butin et le mercenariat sont donc les bases de léconomie.
Lauteur aborde ensuite «Lhomme gaulois» en commençant par sa perception de lespace et du temps. Le lecteur découvre alors que les Gaulois avaient une conception complexe du monde, semblant reposer sur une cosmologie verticale où lâme des hommes se réincarne entre le monde souterrain et le monde des vivants, à moins que l'on ne prouve sa bravoure au cours de sa vie terrestre, ce qui permettra daller au ciel. Ceci explique pourquoi les Gaulois navaient pas peur de la mort, mais «peur que le ciel leur tombe sur la tête». La religion nest cependant pas que le fait des druides, qui sont une caste essentielle dans la structuration sociale gauloise, mais aussi celui des bardes et des vates, sorte de devins sacrificateurs. Lauteur présente une religion se manifestant par des offrandes aux dieux, constituées dor et de sacrifices, notamment humains, dans des lieux de cultes qui sont aussi des lieux de grands banquets. Lexistence dun culte des têtes est remise en question : il peut aussi être interprété comme une sorte de comptabilité visant à valoriser le guerrier qui les a «récoltées».
Pour ce qui est des lettres et du savoir, le lecteur découvre des Gaulois loin de limage du barbare, cultivant la rhétorique et possédant dimportants savoirs technologiques. Les druides nont rien à envier à leurs voisins «civilisés» pour ce qui est de la philosophie et des mathématiques. Lart gaulois na aucune similitude avec la culture artistique gréco-romaine car les Gaulois ne cherchent ni à représenter la réalité, ni à la magnifier : leur art est abstrait et surréaliste, comme lauteur le démontre en analysant plus particulièrement la numismatique.
J. L. Brunaux aborde ensuite les loisirs. Ces derniers sont en lien direct avec les deux passions des Gaulois : la guerre et la rhétorique. La chasse, léquitation et les jeux héroïques sont clairement en rapport avec la guerre. Les rassemblements populaires et les banquets sont des moments de rencontres où lon peut exercer lart de la parole. Un autre «loisir» important chez les Gaulois est lintoxication : soit par les plantes, soit par lalcool ; ils sont en effet grands consommateurs de vin romain. Cette partie s'achève sur la vie privée des Gaulois. Le lecteur apprend notamment tout ce qui a trait au foyer. La place de la femme bénéficie dun petit paragraphe, qui rend compte du peu dimportance que lui accordait cette société belliqueuse où les hommes privilégient vraisemblablement lhomosexualité pour sceller une fraternité nécessaire dans lart de la guerre.
Cet ouvrage est un guide essentiel pour qui veut connaître les Gaulois. Le lecteur a accès à de très nombreuses informations jusqualors méconnues du grand public, sur plusieurs aspects de cette civilisation. Les annexes sont riches de renseignements, on y relève notamment une liste des Gaulois célèbres avec la relation de leurs faits et gestes.
Hélas, plusieurs reproches sont à faire quant à la réalisation de ce guide. J. L. Brunaux est un auteur qui maîtrise bien son sujet, mais, parfois, on est conduit à se demander s'il ny a pas eu un certain relâchement dans la rédaction. En effet, certaines phrases sont confuses, ce qui perturbe la lecture. Des fautes de frappe se rencontrent curieusement aux mêmes passages ! Il est dommage quun tel ouvrage nait pas fait l'objet dune correction suffisante et soigneuse. Il est aussi regrettable que la place des Gauloises soit limitée à trois pages, sans véritables justifications, qu'elles soient historiographiques ou ethno-archéologiques. Le lecteur remarque aussi labsence de conclusion, partie pourtant nécessaire, voire même essentielle, à un livre aussi fourni.
Ces reproches ne sont pas rédhibitoires. Ce guide Belles-Lettres des Civilisations est un condensé des connaissances les plus récentes ; c'est un memento essentiel pour tous lecteurs intéressés par nos «ancêtres». De plus, sa lecture a le mérite de décaper véritablement les images caricaturales véhiculées, par exemple, par la bande dessinée, la propagande patriotique du début du XXe s. et par la vogue actuelle autour des «Celtes».
Yvon Luneau ( Mis en ligne le 14/04/2005 ) Imprimer
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