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Une réédition injustifiée | | | Pierre Bessand-Massenet Femmes sous le Révolution Editions de Fallois 2005 / 16 € - 104.8 ffr. / 196 pages ISBN : 2-87706-571-5 FORMAT : 15,5cm x 22,5cm
L'auteur du compte rendu : Elève conservateur à l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (Enssib), Cécile Obligi est l'auteur d'un mémoire de maîtrise d'histoire intitulé Images de Jean-Sylvain Bailly, premier maire de Paris, 1789-1791. Imprimer
La Fin dune société, ouvrage de Pierre Bessand-Massenet paru pour la première fois en 1953, est republié dans une version augmentée par les éditions de Fallois sous le titre Femmes sous la Révolution. Lauteur retrace, principalement à partir de mémoires ou correspondances des contemporains ainsi que dhistoires (fortement hostiles à la Révolution) de la Terreur et de lémigration, le parcours de plusieurs femmes de laristocratie pendant et après la Révolution. Son idée est que la Révolution a irrémédiablement détruit une société raffinée dont les femmes étaient à la fois les meilleures représentantes et les instigatrices.
Louvrage commence donc par une description complaisante de la vie exquise que menaient les «oisifs cultivés», et plus particulièrement les femmes, à la fin de lAncien Régime, jusquà ce quelle soit brutalement interrompue par la catastrophe révolutionnaire : «Des créatures qui, par leur naissance, leur milieu, leur éducation, étaient promises à ne connaître que des heures de bonheur facile de molle insouciance, vont se trouver enveloppées dans le plus brutal et le plus sombre des cataclysmes sociaux» (pp.21-22). Les chapitres suivants retracent les persécutions subies par quelques femmes de laristocratie (la dame de compagnie de Marie-Antoinette, Mme de Tarente, la fille de Le Peletier de Saint-Fargeau ou encore Madame Tallien par exemple) en mettant en valeur leur grand courage. P. Bessand-Massenet pense que la Révolution sest particulièrement acharnée contre les femmes tout simplement parce quelles incarnaient ce raffinement dAncien Régime. A travers ces femmes de laristocratie, cest « une forme de civilisation où léducation, la qualité des manières, lesprit, le talent [...] références indispensables» (p.86) que les révolutionnaires exècrent et punissent, pense-t-il. Lauteur revient ensuite sur la vie des émigrés hors de France, où ils ont dabord scandalisé par leur insouciance, pour sattarder sur les nouveaux liens tissés entre époux dans ces circonstances.
Enfin, lauteur insiste sur les changements décisifs qua introduits la Révolution dans les murs, et le règne du mauvais goût quelle a instauré, tout en nous faisant profiter de temps à autre de ses considérations personnelles sur la médiocrité de la société de son temps : «Ce carrefour est devenu lun des pôles de lunivers existentialiste, et sur le terre-plein qui sert de terrasse à la «Rhumerie martiniquaise», on peut voir à présent de jeunes métaphysiciens hirsutes palabrer à longueur de journée et siroter leur café en compagnie de fillettes vêtues dun pantalon et dun chandail de terrassier et peignées avec un clou.» (p.60, à propos de Saint-Germain-des-prés).
En définitive, le texte nest rien dautre quune violente charge contre la Révolution (lauteur va jusquà utiliser deux fois le mot holocauste p.46 et p.82), un monument de mauvaise foi, émaillé dinexactitudes et domissions. A tel point quon se demande même si cela vaut la peine dy répondre. Car il sagit moins dhistoire que de procès à charge. La description des conditions de détention et des crimes commis durant la Révolution (notamment pendant les massacres de septembre) effectivement épouvantables, personne ne songe à contester ce point laisse penser que les femmes de laristocratie sont les principales victimes de la Terreur en particulier et de la Révolution en général, ce qui est complètement faux. Lauteur ne voit la Révolution quà travers ses crimes, absolument jamais à travers ses réalisations, dont on suppose quil les juge indignes dêtre citées dans la mesure où elles sont luvre des «éléments les plus dégradés de la population» (p.26). Pourtant, les sources choisies ne sont pas en elles-mêmes inintéressantes, elles auraient pu être matière à des développements sur la vie des femmes de laristocratie durant la Révolution et lEmpire. De plus, louvrage aurait pu constituer un complément aux travaux de Dominique Godineau qui portent sur lhistoire des femmes du peuple parisien.
En définitive, on se demande vraiment pourquoi les éditions de Fallois ont réédité ce livre (sous un titre trompeur qui laisse penser quil sagit dune étude dhistoire sociale sur les femmes sous la Révolution en général), alors que dintéressants travaux ont été publiés sur le sujet ces vingt dernières années.
Cécile Obligi ( Mis en ligne le 07/03/2006 ) Imprimer
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