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Contribution à un débat deux fois séculaire | | | Jean-Clément Martin Violence et Révolution - Essai sur la naissance d'un mythe national Seuil - L'univers historique 2006 / 23 € - 150.65 ffr. / 338 pages ISBN : 2-02-043842-9 FORMAT : 14,0cm x 20,5cm
L'auteur du compte rendu : Conservateur à la Bibliothèque nationale de France, Cécile Obligi prépare un DEA sur lhistoriographie de la Révolution française. Imprimer
Jean-Clément Martin, directeur de lInstitut dhistoire de la Révolution et auteur de plusieurs études portant sur la Vendée sous la Révolution, revient dans son dernier ouvrage sur un débat qui a été et est encore lobjet de controverses interminables : la violence et la Révolution française. Il avait déjà abordé ce sujet lors de ses recherches sur la Vendée mais choisit ici dy revenir de manière systématique.
Partant dun constat, celui de lassociation récurrente dun concept la violence et dune période - la Révolution française, et soulignant que cette association entre la violence et une période historique est suffisamment rare pour être notable, il cherche à clarifier ce qui lie si étroitement les deux termes. Son objectif est de revenir sur le sujet de la manière la plus dépassionnée possible. Refusant de présupposer que la violence forme un bloc et quelle est le corrélatif inséparable de la Révolution française, il en étudie les manifestations en cherchant à nêtre pas dupe des discours (contemporains des événements ou postérieurs) qui lentourent.
Louvrage commence par un rappel de ce quétait la violence sous lAncien Régime, de manière à en dégager quelques lignes de force, dont certaines se retrouvent ensuite durant la décennie révolutionnaire. Quotidienne, ordinaire, la violence sous lAncien Régime témoigne des «rapports frustes» entre les différents groupes. La violence légale, exercée par lEtat, se veut exemplaire, rapide et didactique ; elle punit plus sévèrement les actes qui portent atteinte à léquilibre du corps social. Il ne sagit pas pour autant de gommer les spécificités ou lampleur des violences révolutionnaires. Sans se lancer dans des décomptes macabres, lauteur se penche précisément sur certains événements, démontrant par exemple dans certains cas que les estimations du nombre de victimes habituellement données pour fiables sont probablement en dessous de la réalité.
Mettant au jour la politisation progressive de la violence, volontaire ou non, il tente délucider les tentatives de captation, dinstrumentalisation de la violence pendant la Révolution. Ces manipulations ont cependant a plusieurs reprises débordé ceux qui avaient cru pouvoir contrôler la violence. Il démontre dautre part, par de nombreux exemples tirés de toutes les régions de France, que les violences ne sont pas le fait de laffrontement didéologies froides mais bien plutôt de réactions à des situations politiques inédites, ou tout simplement parfois de règlements de compte entre individus ou groupe dindividus qui sopposent depuis des décennies pour des raisons religieuses, politiques, sociales : «[
] il y eut moins de combats didées que de chocs et dalliances entre les personnalités et les individus, issus de divers groupes sociaux.» (p.306).
Plus largement, cette «lecture de la Révolution par la violence» (p.10) propose une interprétation plus globale de la période qui a été un «lieu dexpérimentation de la liberté» : «Deux époques se télescopent manifestement pendant la décennie révolutionnaire : la violence des années centrales risque bien davoir été le résultat non contrôlé et mal compris de cette rencontre entre les habitudes dun monde qui mourait et les innovations dun monde à naître.» (p.304). Car ce livre est aussi loccasion de revenir sur ce moment unique dexpérimentation politique et sociale. Il permet également à lauteur de clarifier des débats forts anciens : le «rousseauisme» de la Révolution ou encore le problème rebattu des rapports entre Lumières et Révolution. Dans sa démonstration, J. -C. Martin a à cur de se dégager dune tradition historiographique dont on a encore aujourdhui peine à se détacher : la confusion de lhistoire de Paris sous la Révolution avec lhistoire de la Révolution française en général, comme si navaient eu lieu en province que des événements secondaires, ou pire, comme si la chronologie de lhistoire de Paris était la même que celle des différentes régions.
Enfin, lauteur prend soin de faire à plusieurs reprises des comparaisons avec dautres phénomènes et dautres périodes historiques (le communisme, le nazisme, la Deuxième Guerre mondiale, ou la guerre dAlgérie par exemple), comparaisons dautant plus éclairantes quelles ont souvent été faites un peu trop rapidement ces dernières décennies. Mais laissons les lecteurs découvrir les détails de ce cheminement chronologique à travers la Révolution et contentons-nous de souligner le très grand intérêt que nous y avons trouvé
Cécile Obligi ( Mis en ligne le 19/06/2006 ) Imprimer | | |
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