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Histoire & Sciences sociales -> Moyen-Age |
| Boris Bove Le Temps de la guerre de Cent ans - 1328-1453 Belin - Histoire de France 2009 / 36 € - 235.8 ffr. / 669 pages ISBN : 978-2-7011-3361-4 FORMAT : 17cm x 24cm
L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat est agrégé d'histoire. Enseignant dans le secondaire, il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles. Imprimer
Rien que de tenir en main et feuilleter un volume de cette nouvelle Histoire de France, cest un contentement, même avec lédition brochée, la seule (pour le moment ?) accessible sur les étalages des librairies. Ce premier volume de la partie médiévale, consacré à la guerre de Cent ans, une des périodes les plus noires de notre histoire nationale, ce nest pas nouveau, ne fait pas défaut au reste de la collection. La qualité de reproduction des documents, leur diversité et leur abondance font honneur aux Très riches heures du duc de Berry.
Alors le spécialiste pourra toujours discuter à lenvie sur la pertinence du découpage chronologique, le novice sen étonner : il débute par lintronisation de Philippe de Valois, cousin des derniers rois maudits, en 1328, avec le consensus des barons du royaume à lexception du roi dAngleterre, vassal du roi de France pour la Guyenne, et sachève en 1453 avec la bataille de Castillon. Le problème bourguignon relancé par lavènement du Téméraire est ainsi isolé du reste des troubles. Prenons acte du choix qui a préféré le symbolisme de la dernière bataille rangée de la guerre dont la date coïncide heureusement avec la prise de Constantinople par les Turcs Ottomans et lépoque de linvention de limprimerie.
Reconnaissons maintenant que la réflexion de Boris Bove, maître de conférences à lUniversité Paris VIII, se tient. Entre ces deux dates, le royaume traverse des crises dont certaines peuvent bien être purement le fruit des aléas dramatiques de lhistoire humaine, comme la peste qui emporte sous une forme ou sous une autre entre un quart et la moitié des habitants selon les régions, mais il traverse aussi des crises qui relèvent de la croissance soutenue des siècles précédents. Crise démographique, certes, puisque le monde plein du XIIIe siècle arrive à saturation et que la population naugmente plus guère, faisant de la France le pays le plus peuplé de la Chrétienté, mais aussi crise économique résultant des blocages sociaux et des pratiques financières dune société vivant assez largement à crédit, sous forme de constitutions de rentes, rendues supportables par linflation, ce phénomène toujours profitable aux endettés.
Crise politique surtout. Boris Bove dépeint une monarchie qui a atteint un palier dorganisation que le vassal anglais ne voit pas dun très bon il, désireux quil est démanciper ses terres françaises de la suzeraineté capétienne. Larrivée des Valois, branche cadette des Capétiens, lui fournit ainsi largument de la révolte. Il faut plus de cent ans à la monarchie française pour se débarrasser du gêneur en renforçant son administration pour organiser la lutte, en instaurant un impôt et une armée permanents (hélas ?). En somme, cest bien une crise de croissance qui occupe la monarchie en pleine transformation quasi-physiologique, avec ses fièvres et ses différentes manifestations comme la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons.
La guerre et lévolution du pouvoir royal guident donc Boris Bove qui névacue pas dans un premier chapitre lévènementiel. Bien au contraire, il mêle ce dernier, avec talent et art de la synthèse, à des analyses structurelles pertinentes et rendues passionnantes par la diversité des détails puisés dans une bibliographie consultable en fin de volume. Lauteur suit un découpage chrono-thématique qui ne néglige aucun aspect de lhistoire de France, même si ceux intellectuels, comme les universités ou les écrivains, peu nombreux en dehors des mémorialistes thuriféraires, semblent quelque peu absents. François Villon nest cité quune fois comme il pourra être vérifié en utilisant lindex. La clarté du propos frappe aussi et ne doit pas rebuter le lecteur craignant un ouvrage exclusivement réservé à un public dhistoriens, même sil est vrai que le premier venu pourrait bien se noyer avant la bataille de lEcluse (1340).
Justement, comme dans les autres volumes de la collection, les professionnels pourront se reporter à quelques chapitres plus techniques, plus historiographiques, réunis sous le vocable de «latelier de lhistorien». Lun dentre eux, consacré à Jeanne dArc, apaisera les adeptes de lépopée johannique réduite à lévènementiel dans le corps du récit mais ici redéployé jusquà notre époque. Ce nest pas une histoire à la Mallet-Isaac destinée à des écoliers et qui privilégierait les grandes figures : Du Guesclin est ramené à sa juste mais réelle utilité, le roi de France a payé ses rançons pour nous le prouver, et donc Jeanne dArc aussi, même si elle préfigure le redressement final du victorieux Charles VII.
Ce nest pas non plus un livre dimages et les documents font le plus souvent lobjet dun commentaire pertinent, incorporé dans le texte quand il sagit dune des nombreuses cartes, dun organigramme, comme la genèse administrative de lEtat monarchique, ou des arbres généalogiques dont la plupart sont regroupés en fin de volume dans les annexes, après la chronologie et les biographies des personnages secondaires. Malheureusement, ils font aussi lobjet des erreurs déditions les plus notables comme la généalogie des comtes de Flandres numérotée 12 et annoncée page 18 qui est en définitive absente de louvrage, ou sèment doutes comme lillustration de la page 179, présentée pour étant la répression de la révolte anti-fiscale de Montpellier en 1379 et que le magazine LHistoire, dans son numéro de janvier 2010, utilise aussi, mais comme étant le début de cette révolte.
Autant dire quil faut être pointilleux ou spécialiste pour trouver quelque chose à reprocher au travail colossal de Boris Bove. Dautant que ces erreurs vénielles relèvent de lédition et pourraient être corrigées dans une édition ultérieure. Sans doute nombre de débats historiographiques, de confrontations de thèses, ressusciteront à la faveur de la lecture de ce Temps de la guerre de Cent ans. Cest le lot de nombre de livres dhistoire, et plus souvent des meilleurs. Pour le reste, cette magistrale synthèse est un pur bonheur de lecture.
Hugues Marsat ( Mis en ligne le 02/02/2010 ) Imprimer
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