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Histoire & Sciences sociales -> Moyen-Age |
| Françoise Kermina Agnès Sorel - La première favorite Perrin 2005 / 17 € - 111.35 ffr. / 202 pages ISBN : 2-262-01843-X FORMAT : 14,5cm x 23,0cm
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions dhistoire des religions et dhistoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages dinitiation portant notamment sur le Moyen Age et sur lhistoire de lart. Imprimer
La femme a suscité depuis longtemps la curiosité des historiens (lauteur de cette biographie cite dailleurs bon nombre de ses devanciers). Pas un amateur de lart du XVe siècle qui ignore les traits de son visage bien quaucun portrait officiel nait jamais été exécuté delle, immortalisée quelle fut par Jean Fouquet en Vierge (quelque peu dénudée) dite de Melun. Ny a-t-il pas quelque chose de romanesque dans le destin de cette jeune noble dont un roi réputé taciturne et timide et qui aurait, par lâge, pu être son père, tombe éperdument amoureux ? Au point de mettre à la cour de France une mode appelée à perdurer, celle dassigner sans vergogne la place dhonneur à une femme qui nest pas son épouse ? Et quoi de plus romantique aussi que le destin tragique de la favorite, courant les routes pour rejoindre le père du quatrième enfant quelle est sur le point de mettre au monde et succombant en arrivant à une surdose de mercure ?
Dans le déroulement de lhistoire que raconte F. Kermina, dun style alerte et avec les explications qui permettent à un vaste public de pénétrer le monde des cours du XVe siècle, rien qui ne soit déjà vraiment connu. Mais si la recherche historique na pas mis au jour de nouvelles sources (chroniques, comptes, sources littéraires, dailleurs cités en fin douvrage), cest par la conclusion de travaux dordre anthropologique et radiographique, exécutés au CHRU de Lille au cours de lhiver 2004-2005 sur les restes de la favorite contenus dans une urne de grès, que des confirmations scientifiques ont pu être apportées à des données qui nétaient jusqualors que des hypothèses. F. Kermina, par ailleurs auteur dun certain nombre de biographies de grandes personnalités de lHistoire de France, a rédigé celle-ci à la lumière de ces conclusions. On ajoutera quun index permet de retrouver les nombreux personnages qui traversent le récit et on notera aussi ce curieux arbre généalogique (pp.195-196) montrant la royale descendance dAgnès Sorel à travers ses trois filles bâtardes, non reconnues par leur mère, que leur demi-frère, Louis XI, saura établir.
Lapparence physique de la jeune femme (elle avait 28 ans lors de sa mort en 1450) est bien celle dont la tradition garde le souvenir. On comprend quelle ait pu jouer un rôle dinstigatrice pour lancer de nouvelles modes, animer des fêtes. Oui, elle venait bien daccoucher dun bébé prématuré. Oui, on a trouvé dans les restes de son squelette une «overdose» de mercure, apte à avoir entraîné la mort. Mais au terme de son enquête, ayant passé en revue les différents personnages qui auraient pu être, et même ont été, soupçonnés à lépoque même davoir une responsabilité dans un empoisonnement volontaire, lauteur admet quil pouvait tout aussi bien sagir dune erreur de dosage, le mercure entrant dans la pharmacopée habituelle du temps pour soigner les maux de ventre. Sans doute le dauphin (futur Louis XI) entretenait-il avec la favorite les plus mauvaises relations ; assurément le grand argentier Jacques Cur, ami dAgnès, navait-il, lui, aucune raison de la voir disparaître ; mais impossible den dire davantage.
Pour le reste, on peut regretter que la pénurie des sources transforme souvent ce livre en une histoire du roi et de la cour encore plus quil ne fait celle de la favorite. Dautant que lexposé de la politique menée par Charles VII, en cette fin de Guerre de Cent Ans, particulièrement compliquée, fait lobjet de retours en arrière pas toujours très clairs. La personnalité de lhéroïne se dégage toutefois à peu près de cette histoire : celle dune femme gaie, intelligente et cultivée (elle appartenait à la maison du fameux roi René lorsquelle rencontra en 1443 le roi de France), sans prétention politique exagérée. Amoureuse du roi ? Attachée à sa personne en tous cas, et nullement prédatrice du bien public. Encensée ou critiquée, selon les sources ; celles qui lui sont favorables font un récit édifiant, mais quelque peu convenu, de ses dernières heures ; sa piété était sans doute réelle, conforme dans ses aspects contrastés à celle de son époque. Et il nest sans doute pas sans signification quelle ait choisi Marie-Madeleine, la pécheresse repentie, comme sainte protectrice.
Jacqueline Martin-Bagnaudez ( Mis en ligne le 31/10/2005 ) Imprimer | | |
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