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Un regard pionnier sur les images chrétiennes | | | Maria-Giovanna Muzj Un maître pour l'art chrétien : André Grabar - Iconographie et théophanie Cerf - Histoire 2005 / 49 € - 320.95 ffr. / 288 pages ISBN : 2-204-07485-3 FORMAT : 16,0cm x 24,0cm
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions dhistoire des religions et dhistoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages dinitiation portant notamment sur le Moyen Age et sur lhistoire de lart. Imprimer
Aujourdhui, pour les étudiants qui sintéressent à liconographie, un certain nombre dapproches, de méthodes, semblent tellement aller de soi quon en oublierait à quel point les analyses de ce maître que fut André Grabar, mort en 1990, ont été novatrices dans bien des domaines. Le présent ouvrage, destiné aux chercheurs et dû à une universitaire italienne (première publication en 1995), se veut à la fois un hommage, un rappel et un témoignage.
Est-ce à son parcours personnel que Grabar doit loriginalité de sa démarche ? Sans doute litinéraire de cet homme né en Russie, marqué par les églises quil y avait contemplées dès lenfance, arrivé en France, où il devait se fixer, à lâge de 26 ans, est-il pour quelque chose dans ce qui fut la ligne directrice de sa recherche et quon peut résumer en un seul mot : synthèse. Dans toutes ses réflexions, il cherche à abolir les frontières entre art byzantin, art oriental, art roman, art de lAntiquité, persuadé quil est quOrient et Occident ne sopposent pas, mais puisent aux mêmes sources.
Et cest cette intuition qui lamènera très tôt à démontrer comment lart chrétien, à sa naissance, a utilisé le vocabulaire de liconographie impériale pour figurer les caractéristiques de Dieu et de ses saints, dautant plus aisément que lart impérial, surtout à lépoque byzantine, est chargé de connotations sacrées. Impossible de rendre compte en quelques lignes de la richesse de la démonstration ici fournie au lecteur de ce savant ouvrage. Deux exemples seulement. Lempereur (et ce dès lépoque païenne) a notamment pour attribut dêtre perpétuellement victorieux de ses ennemis ; doù la victoire de Christ, du martyr, et jusque dans les toutes premières figurations du Crucifié (dès le Ve siècle, à Sainte-Sabine de Rome). Autre influence, plus inattendue, et en tous cas moins fréquemment figurée : lempereur est celui qui fait preuve de libéralité, grâce aux dons quil distribue ; lart chrétien sinspirera de ce genre dimages pour représenter le Christ remettant les clés à Pierre.
Mais ces interactions ne sont pas lexclusive de lart chrétien, car Grabar décèle les mêmes influences sur le développement, à la même époque, dun art juif tel que représenté par la synagogue de Doura Europos, et dun art manichéen. À dire vrai, le terme d«art» convient mal à ces figurations que le maître étudie, non en historien dart et encore moins en esthète, mais pour ce quelles veulent signifier, et pour la façon dont elles expriment lintelligible, un leitmotiv qui revient sans cesse dans ses préoccupations.
Le livre est bâti sur de longues citations des textes de Grabar, et surtout de ses principaux ouvrages que sont LEmpereur dans lart byzantin (1936), Martyrium (1946), LArt de la fin de lAntiquité et du Moyen Age (1968), Christian Iconography (1968), Les Voies de la création en iconographie chrétienne (1979), ainsi que de son article sur Plotin paru dans les Cahiers dArchéologie en 1945. Il est illustré de quelques planches, bien placées dans le développement de largumentation, mais malheureusement de médiocre qualité. Sy ajoutent des commentaires de contemporains, partisans ou adversaires du maître. Et bien sûr, une bibliographie de ses quelque 40 ouvrages, 200 articles, des préfaces et recensions de livres quil a données, ainsi que des recensions faites de ses propres ouvrages. Un index analytique des thèmes et des monuments cités complète cette solide étude.
On ne pourra plus parler de Grabar sans se référer au livre de Maria Giovanna Muzj, désormais mis à la disposition du public francophone, grâce à la traduction de Charles André Bernard.
Jacquelinea Martin-Bagnaudez ( Mis en ligne le 04/12/2005 ) Imprimer | | |