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Histoire & Sciences sociales -> Moyen-Age |
| Jean Verdon L'Amour au Moyen Age - La chair, le sexe et le sentiment Perrin - Collection Pour l’Histoire 2006 / 20.50 € - 134.28 ffr. / 274 pages ISBN : 2-262-02258-5 FORMAT : 14,0cm x 22,5cm
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions dhistoire des religions et dhistoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages dinitiation portant notamment sur le Moyen Age et sur lhistoire de lart. Imprimer
La clé de cet ouvrage, constituant aussi le substrat quil convient de ne jamais perdre de vue, cest dans les pages de conclusion quon la trouve : nous cherchons en vain à saisir ce que représentait «aimer» pour nos ancêtres si nous ne gardons pas en tête que nous ne voyons leurs relations quà travers le prisme déformant de nos mentalités du XXIe siècle ; leur vie intime nous échappe en grande partie.
Dautant que les sources utilisées ici par J. Verdon sont uniquement écrites ; aucune allusion à ce que liconographie aurait pu apporter à ce sujet complexe. Lauteur a analysé des textes normatifs (ce quenseigne lÉglise), purement littéraires (les chansons de geste, la littérature des troubadours, des poésies, etc.), tous dailleurs bien connus. Lintérêt ne naît que de leur confrontation, thème après thème. Les sources dordre privé, les textes médicaux (peut-être trop pauvres en Occident) navaient-ils rien à dire ? Et il faut avouer que traiter dun millénaire de sentiments et de comportements en moins de 300 pages, même restreints aux relations hétérosexuelles, cest tout de même une gageure ; la tenir oblige à des rapprochements dans le temps et dans lespace (même si l'on sintéresse surtout aux sources «françaises») souvent hâtifs. Bref, on laura compris, le lecteur reste un peu sur sa faim.
Acceptons cependant de prendre les choses comme elles sont. Et là, première remarque, que lon est heureux de trouver demblée, lauteur signale que la parole sur laquelle il sappuie est essentiellement masculine. De lamour vu du côté féminin, on na guère de témoignage (avec la notable exception dHéloïse, apportant la preuve dun véritable féminisme, anachronique pour son temps). Ce sont des hommes qui font sexprimer les femmes des chansons de geste, lesquelles sont saisies les premières par lamour du preux chevalier ; ce sont eux qui cultivent, en paroles du moins, la finamor des troubadours. Lamour nen reste pour autant pas purement platonique, même (surtout ?) sil est extra-conjugal. Et la littérature garde trace de propos franchement grivois, dun vocabulaire dune crudité sans retenue, à côté, sans doute, dexpressions poétiquement symboliques, telles celles du bouton de rose que laimé sefforce de cueillir, du jardin clos. Les voies du passage à lacte sont joliment décrites dans un chapitre du livre intitulé «La carte du Tendre», qui conduit de la patience avec laquelle il convient de faire sa cour à la jouissance des corps, à propos de laquelle il est dit ailleurs que lidéal est une jouissance simultanée des deux partenaires.
Pourtant, les normes cléricales ne veulent connaître de lunion des corps que le devoir imposé aux époux de procréer. Lamour conjugal, pourtant, semble avoir existé. Deux ordres de témoignages sont relevés par J. Verdon. Dabord le recours au rapt de la jeune fille, consenti par elle lorsque sa famille fait obstacle à son union avec lhomme quelle aime ; ensuite les inscriptions funéraires rédigées par un conjoint survivant, et qui ne sont pas toutes aussi stéréotypées que les formules de donations conservées dans la diplomatique. En principe et sur ce point lÉglise est daccord le consentement mutuel des époux est requis pour faire dun mariage un lien légitime. Mais à côté de la théorie, combien dunions de pure «stratégie familiale» ?
Alors, le vécu dans tout cela ? Bien difficile, voire impossible à appréhender. Ajoutons que les sources écrites utilisées par lauteur ne concernent, en fait, quune infime frange de la population. Face à laristocratie dont elles mettent en scène les aspirations, peut-être les comportements, que dire des autres classes sociales ? Et comment appréhender ces dernières ?
Un ouvrage donc à aborder en tenant compte de ses limites ; malgré tout, une synthèse sur un thème difficile, que son style de rédaction met à la portée de tout lecteur intéressé par le sujet. On trouvera dans la bibliographie, quelle concerne les sources ou les travaux, matière à prolonger la réflexion.
Jacqueline Martin-Bagnaudez ( Mis en ligne le 13/02/2006 ) Imprimer
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