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Beaucoup de bruit pour rien...
Jacques Heers   Louis XI
Perrin 1999 /  22.75 € - 149.01 ffr. / 430 pages
ISBN : 2-262-01233-4
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En 1974 et 1976 paraissaient en France deux biographies de référence sur le dernier roi de France de l'âge médiéval. Celle de Paul Murray Kendall, tout d'abord, s'attachait à retracer pas à pas les multiples péripéties de la vie chaotique de cet homme constamment contraint de marcher sur le fil du rasoir. Le résultat fut une grande et brillante réhabilitation du souverain, souvent exagérée cependant. Le talent de l'auteur, la clarté et la vigueur de son style explique l'immense succès de cet ouvrage, sans conteste l'un des piliers de la collection Fayard, et dont la lecture stimule toujours le goût de nombreux lecteurs pour l'histoire de cette période.

La seconde oeuvre consacrée à Louis XI, due à P-R Gaussin, choisissait un parti tout à fait différent, puisque l'auteur suivait un plan résolument thématique et étudiait le règne de façon transversale dans chacun de ses aspects, idéologique, politique, diplomatique, institutionnel et économique. D'une grande rigueur scientifique, ce travail était la première synthèse à abandonner toute interprétation passionnée du règne d'un roi à la personnalité et aux motivations si complexes.

C'est donc à une rude concurrence que s'est exposé Jacques Heers en publiant une nouvelle biographie de "l'universelle aragne". Dans une longue introduction qui retrace l'historiographie de Louis XI, il expose les raisons pour lesquelles une nouvelle oeuvre de synthèse lui semblait nécessaire. Sans diminuer les mérites de ses prédécesseurs, il estime que le travail de Gaussin est plus "une étude sur la France de ce temps" qu'une vraie biographie. Quant au livre de Kendall, il se limiterait selon lui à des sources exclusivement narratives, et donc partiales. Il affirme même que celui-ci a ignoré l'abondante correspondance de Louis XI, éditée au tournant du siècle, ainsi que le recueil des ordonnances des rois de France, publiées entre 1811 et 1835. Il lui aurait suffi de lire la bibliographie figurant à la fin de l'ouvrage pour s'apercevoir que c'est faux.

L'auteur prétend donc se livrer à une relecture du règne de Louis XI à la lumière de sources nouvelles. Force est de constater que cet ambitieux pari n'a pas été tenu. La démarche de l'auteur semblait pourtant prometteuse : après une première partie offrant un résumé succinct des évènements marquants du règne, J. Heers évoque tour à tour "l'image du roi", regroupant sous ce terme une étude de la cour et de la propagande royale, puis les méthodes de gouvernement du roi et son entourage, sa politique intérieure, la diplomatie et la guerre, et enfin la piété du monarque et son attitude à l'égard de l'Église. On pouvait donc s'attendre à une synthèse solidement charpentée centrée sur l'homme et son oeuvre, offrant une judicieuse balance entre un Kendall trop collé à l'événement et un Gaussin trop institutionnaliste.

Les sources nouvelles se limitent aux quelques comptes de l'Hôtel du roi épars toujours conservés aux Archives nationales. On remarquera d'ailleurs au passage que le compte du Trésor de 1477 cité comme source manuscrite consultée a déjà été édité par Robert Fawtier depuis longtemps. Ces pièces servent de matière à l'étude de la Cour du roi, dans laquelle l'auteur s'emploie à défaire l'image du "roi bourgeois" forgée par la Troisième république. Cette partie de l'ouvrage est certes la meilleure, surtout lorsqu'il évoque les dépenses liées aux achats de vêtements et à la passion du roi pour la chasse. .

Tout le reste du livre se fonde sur les mêmes sources que ses illustres prédécesseurs. Cela aurait pu ne pas être grave. Après tout, le but d'une synthèse est en général de proposer une interprétation nouvelle de faits déjà connus et étudiés. Mais l'ouvrage fourmille d'inexactitudes, d'imprécisions, voire d'erreurs grossières. L'auteur ne propose aucune réflexion personnelle, il ne s'émancipe pas assez des travaux universitaires qui ont déjà étudié avec précision tel ou tel aspect du règne. On pense en particulier au livre de René Gandilhon sur la politique économique du roi et à son analyse du capitalisme d'État, reprise intégralement.

La première partie, événementielle, est également incroyablement bâclée. Marie de Bourgogne, héritière majeure et de plein droit, n'a pas à être qualifiée de "régente". Ce n'est pas le Conseil de Dijon que Charles le Téméraire a substitué au Parlement de Paris comme juridiction souveraine d'appel, mais le Parlement de Malines. Celui-ci n'a pas "réorganisé" ses compagnies d'ordonnance en 1471, il les a créées. Le grand maître de l'hôtel n'est pas en 1478 Ymbert de Batarnay, mais Antoine de Chabannes, comte de Dammartin. La pension annuelle versée au roi d'Angleterre à la suite du traité de Picquigny est précisement de cinquante mille écus et non d'environ "quarante ou cinquante mille écus" ; à l'inverse, si l'on se contente de ne mettre que des valeurs approximatives, pourquoi préciser que les 400 000 écus que devait payer le roi pour récupérer les villes de la Somme engagées au traité d'Arras étaient des écus "d'or vielz, de LXIII au marc de Troies, huit onces par marc, et d'alloy à XXIII karats, ou d'autre monnoie d'or coursable, à la valeur" ? Les citations superflues de ce type sont ainsi trop souvent des cache-misères, destinés à donner une caution scientifique à des affirmations insuffisamment argumentées.

J. Heers tombe également dans les mêmes travers que Kendall. Louis XI est ainsi présenté comme un souverain omnipotent et omniscient, dont les savantes machinations sont l'origine de toutes les mésaventures de Charles le Téméraire. Les farouches Suisses, si rétifs à toute ingérence, l'empereur Frédéric III, accablé de soucis tout à fait étrangers à la politique intérieure du royaume, sont réduits au rôle de figurants, de marionnettes manipulées à volonté par le démiurge de Montil-lès-Tours. Finalement, malgré une démarche intéressante, quelques passages heureux sur la cour et le mode de vie de Louis XI, la biographie de J. Heers reste donc une oeuvre inachevée, qui n'a ni la rigueur de Gaussin ni le souffle de Kendall.


Amable Sablon du Corail
( Mis en ligne le 08/08/2001 )
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