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Histoire & Sciences sociales -> Période Moderne |
| Michel Nassiet La Violence, une histoire sociale - France, XVIe-XVIIIe siècles Champ Vallon - Epoques 2011 / 26 € - 170.3 ffr. / 378 pages ISBN : 978-2-87673-545-3 FORMAT : 15,5cm x 24cm
L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye est professeur en classes préparatoires. Il a achevé une thèse consacrée au fils de Louis XIV sous la direction du professeur Joël Cornette à lUniversité Paris-VIII. Imprimer
Quest-ce qui pousse un homme à tuer ? Telle est la question que se pose Michel Nassiet dans son dernier ouvrage. Spécialiste dhistoire sociale, il affirme que la baisse continue de lhomicide dans la résolution des conflits sexplique moins par lirrésistible ascension de lÉtat entre les XVIe et XVIIIe siècles que par la transformation de la famille, sans cesse plus resserrée sur la cellule conjugale.
Cest sur ce point précis que lauteur rencontre la polémique en discutant fermement la position des héritiers de Norbert Elias, voyant dans le «processus de civilisation» opéré par lÉtat le moteur essentiel du reflux de la violence. Pour le sociologue allemand, la violence est dans lindividu et son niveau dans la société ne dépend que du contrôle que lÉtat exerce sur les acteurs sociaux.
Avec ce souci devenu traditionnel en histoire détayer la démonstration par un certain éclectisme bibliographique, Michel Nassiet préfère suivre la route de Durkheim pour qui lhomicide dépend des forces sociales qui y portent. Ces forces résultent de lattachement de lindividu à des groupes de parenté et à des communautés religieuses. Car, dans les sociétés dAncien Régime, on tuait dabord et avant tout pour des questions dhonneur.
Les chiffres paraissent éloquents en dépit des difficultés de quantification de la violence. Si les taux anglais sont divisés par cinq entre le XVIe et le XVIIIe siècle, le nombre dhomicides en France, dès la fin du XVIIe siècle, est déjà quasiment similaire à celui de la France du XIXe et XXe siècles. Il est vrai que lon constate certaines exceptions régionales notables comme en Corse où le nombre dhomicides ne diminue véritablement quau début du XXe siècle.
À laide de nombreux exemples, lauteur nous rend plus intelligible le passage à lacte. Considérons seulement le cas du seigneur de Mouy, qui, en 1583, quatorze ans après la mort violente de son père, tue en pleine rue à Paris son meurtrier. Cette injonction permanente à laver lhonneur, ce sentiment très subjectif de ce que lon se croit en droit dexiger des autres, est le fait des pères outragés, des veuves éplorées, des surs inconsolables de la mort dun frère ou même des oncles et des tantes.
Dans cette démonstration bien huilée survient cependant très vite une aporie. Compte tenu des lacunes des archives judiciaires, rencontrer la violence passe surtout par lutilisation des lettres de rémission, demandes adressées par les agresseurs au souverain afin que leur soit accordé son pardon. Depuis 1539, ce pardon ne pouvait être obtenu quen cas dhomicide par légitime défense ce qui laisse imaginer la manière tendancieuse dont les crimes et délits étaient présentés dans ces documents. Mais comment affirmer que la violence baisse grâce à la modification des structures familiales et létudier à partir de documents qui attestent précisément du rôle de lÉtat dans la régulation des conflits ? Là se trouve probablement la limite principale du raisonnement de M. Nassiet.
Comme souvent, il semble donc que la vérité soit au milieu du gué. La baisse des homicides dépend à la fois de la montée en puissance des structures étatiques et de la modification lente, mais certaine, des structures de la parenté. Les psychanalystes diraient sans doute que cest lespace verbal ouvert par la lettre de rémission qui permet la symbolisation des actes violents, donc leur sublimation et in fine leur disparition. Mais tel nest pas lobjet de ce livre.
Cet ouvrage est à lire car il nous aide à mieux comprendre certains concepts clefs de la première modernité : lhonneur, la race, la vengeance et à réfléchir à lépineuse question de la violence humaine. Mais si les XVIe et les XVIIe siècles peuvent laisser Michel Nassiet constater un reflux de lhomicide dans la résolution des conflits sociaux, le XXe siècle nous empêche cependant de parler dune baisse de la violence chez lhomme, dont lexpression majeure devint la violence dÉtat. En cela la société de lhonneur paraît plus un mode dexpression de la violence, que son origine.
La question du mal reste donc entière.
Matthieu Lahaye ( Mis en ligne le 03/05/2011 ) Imprimer | | |
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