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Histoire & Sciences sociales -> Période Moderne |
| Nathalie Genet-Rouffiac Jacques II d'Angleterre - Le roi qui voulut être saint Belin - Portraits 2011 / 25 € - 163.75 ffr. / 300 pages ISBN : 978-2-7011-5242-4 FORMAT : 13,6cm x 21,5cm
L'auteur du compte rendu : agrégé et docteur en histoire, Alexandre Dupilet est professeur dans le secondaire. Imprimer
Comme lécrit Charles Dantzig dans son Dictionnaire égoïste de la littérature française, «on na pas le temps de lire toutes ces biographies de 800 pages. Il faut vivre tout de même». Les éditions Belin semblent avoir parfaitement compris le message : la nouvelle collection «Portraits» propose des biographies dans un format agréable, qui a le bon goût de ne pas décourager les lecteurs surmenés que nous sommes. Composés par de jeunes historiens talentueux maîtrisant parfaitement leur sujet, ces ouvrages parviennent à conjuguer plaisir de lecture et recherche savante. Ainsi en va-t-il de cette biographie du roi dAngleterre Jacques II composée par Nathalie Genet-Rouffiac.
Le terme de paria, appliqué à un monarque, peut sembler inapproprié voire outrancier. Cest pourtant celui qui vient à lesprit lorsquon suit lexistence tumultueuse de Jacques II. Car le fils de Charles Ier connut une vie de rebuffades, dexils et de disgrâces. Obligé de fuir son pays à lâge de 15 ans suite à la Première Révolution, il retourna en Angleterre en 1660, lors du couronnement de Charles II, son frère, après douze ans dexil. Le roi nayant pas denfant légitime, Jacques était appelé à lui succéder sur le trône, ce que son attirance pour la religion catholique puis sa conversion rendirent aléatoire. Ainsi, en 1673, suite au test act qui imposait des serments dallégeance à léglise anglicane pour toute personne occupant un emploi public et militaire, Jacques II fut obligé de quitter ses fonctions gouvernementales. En 1679, suite à la découverte dun complot visant à imposer la religion catholique en Angleterre et dans lequel il semblait sêtre compromis, il dut à nouveau partir en exil. Sen suivit une rude bataille entre le Parlement, qui souhaitait quil fût exclu de la succession, et Charles II, qui gardait toute confiance en son frère. Jacques II revint en Angleterre en 1682, lavé de tout soupçon, le complot savérant être une manipulation montée de toute pièce par lecclésiastique anglican Titus Oates. Jacques II succéda à Charles II trois ans plus tard. Mais sa politique pro-catholique et sa volonté dabolir la loi du test furent à lorigine de la Glorieuse Révolution. Il dut fuir son royaume et se réfugia en France où il acheva sa vie dans la solitude austère du château de Saint-Germain, non sans avoir vainement organisé quelques expéditions militaires pour reprendre sa couronne perdue.
Cest dabord le portrait dun monarque de tragédie, plus racinien que shakespearien, tourmenté, torturé, déchiré entre ses aspirations personnelles et ses devoirs de chef dÉtat, que dresse Nathalie Genet-Rouffiac. Jacques II nétait pourtant pas quun roi à la triste figure : il aimait les femmes, pas les plus jolies dailleurs, ne connaissait pas la peur sur les champs de bataille, où il sillustra aux côtés de Turenne, et fut un grand amiral. Mais sur le plan politique, il fit preuve dun aveuglement voire dune inintelligence coupable. Jamais il ne parvint à saisir les aspirations de son peuple et à comprendre quen Angleterre, catholicisme rimait avec absolutisme. Ce roi, qui ne régna que trois ans, est le truchement idéal pour comprendre les fondements de la société anglaise du XVIIe siècle et limportance identitaire de langlicanisme. Pour dessiner ce portrait, lauteur sappuie sur une source exceptionnelle qui ferait rêver tout historien de la monarchie française : une biographie du roi, composée de son vivant, à partir de ses documents et des ses récits personnels.
Ce livre est enfin un remarquable document sur la vie politique anglaise de cette époque, qui laissera stupéfaits les lecteurs plus familiers du règne de Louis XIV. Dans cette monarchie, tout nest que stratégie politique voire politicienne, compromis et compromissions entre ministres, négociations retorses avec le Parlement, manuvres de déstabilisation, dont le raffinement et la perversité feraient passer nos actuels présidentiables et leurs si talentueux communicants pour daimables amateurs.
Les ouvrages dhistoriens français sur la monarchie britannique sont trop peu nombreux et lon ne peut que saluer le travail de Nathalie Genet-Rouffiac, tout en souhaitant quelle le prolonge par des biographies de Guillaume dOrange ou du chevalier de Saint-Georges, fils de Jacques II, qui neut de cesse de vouloir reprendre la couronne perdue par son père, bref, dêtre un homme qui voulut être roi.
Alexandre Dupilet ( Mis en ligne le 06/03/2012 ) Imprimer | | |
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