François Bluche Perrin 2003 / 23 € - 150.65 ffr. / 468 pages ISBN : 2-262-01718-2 FORMAT : 16x24 cm
L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat, agrégé d'histoire, est enseignant dans le secondaire. Il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles. Imprimer
On ne présente plus François Bluche. Le Dictionnaire du Grand Siècle (Fayard, 1990) quil a dirigé est devenu un ouvrage de référence quant au règne personnel de Louis XIV ; si elle na pas fait lunanimité parmi les historiens modernistes, sa biographie du Roi-Soleil (Fayard, 1989) est un succès de librairie. Habitué du Grand Siècle et du Siècle des Lumières, il est cependant plus rare de voir lauteur du Despotisme éclairé saventurer avant lavènement de Louis XIV (1643). Pourtant ce nest pas tant cette avancée dans le premier XVIIe siècle sous la forme dun ouvrage biographique du cardinal de Richelieu, ni même, contrairement aux craintes de lauteur lui-même (p.11), la parution dun énième livre consacré au ministre de Louis XIII, qui surprendra le lecteur.
Assurément louvrage est original par plus dun point. Loin de prétendre à être exhaustif, le Richelieu de François Bluche se présente comme un essai, en hommage à Édouard Balladur, destiné à éclairer sous un jour nouveau ou à rappeler à ses lecteurs quelques «points délicats (...) trop fréquemment simplifiés par lhistoriographie» (p.11). Il en résulte un certain nombre de choix comme les nombreuses annexes (17 en tout) qui occupent avec la chronologie, un index et, fait rarissime mais dispensable, un glossaire, pas moins de 135 des 458 pages imprimées du livre.
Dans leur globalité, ces annexes savèrent intéressantes, à défaut dêtre utiles dans le cadre dun essai biographique, à linstar des atermoiements confessionnels dHenri IV (p.349). Le glossaire vise surtout à suppléer à labsence de notes qui seraient destinées en majeure partie au lecteur profane en lAncien Régime, qui sy risquerait ici pour la première fois, ou même à un lecteur à la culture lacunaire qui, ayant sans doute acheté ce livre lors dun égarement passager et nayant pas de dictionnaire, sinterrogerait sur la définition de mots tels que barbon, droit privé ou nonce.
Le choix le plus marquant se révèle être cependant le découpage de luvre en 72 chapitres. Si lon se réfère à lactivité intense et diverse de lHomme rouge, une telle profusion se justifie amplement et, de fait, François Bluche nentend négliger aucune dimension du personnage, de lévêque comme du ministre, du père de la marine comme de celui des arts. Il sagit de prendre la mesure du grand homme, den brosser un portrait sans concession aucune en le resituant dans son époque.
En fait de concession, lauteur ne saurait être taxé dadmiration béate pour son sujet. Il reconnaît volontiers limportance de luvre du cardinal-ministre dont le règne suivant bénéficie, mais souligne les travers de la personnalité de lhomme, en particulier sa sévérité excessive pour un prêtre tout en reconnaissant celle plus grande du roi (p.97). Dans un autre registre, François Bluche juge telle sa soif dhonneurs et de charges il est vrai considérable tant pour lui que pour sa famille - quil la qualifie de mégalomanie, «affection des génies politiques» (p.208), tare dont furent exempts nombre de grands hommes dÉtat, tel Louis XIV, constructeur de Versailles. Il est vrai cependant que lauteur a vu dans le roi-soleil un introducteur dune part assez remarquable de démocratie dans son règne en 1709 (cf. François Bluche, Louis XIV, chapitre XXVII).
Sur de nombreux points, lessayiste de Richelieu rejoint et dépasse le biographe de Louis XIV dans une certaine facilité dimages et dexpressions. Peut-être est-ce à des fins de démonstration ou de pédagogie toujours pour le même lecteur égaré ? Quel intérêt, autre quun trait dhumour, que de parler dun «top five» (p.13) des grandes figures de lhistoire de France, fruit dun hypothétique sondage réalisé auprès des Français ? (A noter que les quatre autres lauréats sont saint Louis, Jeanne dArc, Louis XIV et Napoléon, autant pour Henri IV, sa poule au pot et lédit de Nantes !)
De même, sans doute, est-ce un trait dhumour noir que le «whos who de léchafaud» (p.97). De ces effets de manche, à lemporte-pièce, Richelieu en recèle sans quils apportent beaucoup à la réflexion parce quils manquent parfois dexplications, à limage du tableau de lâge comparé de personnages notables, tableau riche denseignements qui demeurent attendus, ou du sibyllin encart sur le rationalisme et la raison comparés de Richelieu et Colbert (p.200).
Il nen demeure pas moins que, par sa vision synthétique et globale de la vie de Richelieu dans son contexte, une perception originale de la carrière et de luvre du cardinal-duc, éclairée par un point de vue personnel, sil nest toujours pertinent dans sa formulation, ce Richelieu peut faire figure dune bonne introduction au personnage pour le profane que pourraient rebuter la densité de LHomme rouge de Roland Mousnier ou du Richelieu de Michel Carmona, et la spécialisation du Richelieu. Une certaine idée de lÉtat de Françoise Hildesheimer (Publisud, 1985) ou du Pouvoir et fortune de Richelieu de Joseph Bergin (Laffont, 1987).
Hugues Marsat ( Mis en ligne le 08/12/2003 ) Imprimer
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